Aude

Quillan : Patrimoine, histoires industrielles et passions locales.

On part à Quillan. Entre son château médiéval, les forêts exploitées par les radeliers, l’essor industriel avec la chapellerie et l’usine Formica, et une vie sportive animée par le Criterium cycliste et le rugby local, Quillan révèle son patrimoine, sa culture et sa dynamique humaine.

Bienvenue dans Un jour chez vous, la série originale de Pyrénées FM. Chaque épisode vous emmène à la rencontre d’un village des Pyrénées, de ses habitants, de ses histoires, de ses traditions et de ses initiatives d’aujourd’hui. Ce matin, cap sur Quillan, au cœur de la Haute-Vallée de l’Aude, une ville qui mêle patrimoine médiéval, traditions forestières et héritage industriel.

Le château de Quillan : témoin d’un passé médiéval

Pour comprendre l’histoire de Quillan, nous retrouvons Philippe Allevy, président de l’association de sauvegarde du patrimoine de la Haute-Vallée de l’Aude et historien local, au pied du château qui domine la ville.

Philippe Allevy, dans l’enceinte du château qui surplombe Quillan

Construit à la fin du XIIIe siècle, début XIVe siècle, le château présente un plan carré de 35 mètres de côté, ponctué de meurtrières et de petites échauguettes aux angles. Inspiré du donjon de Gilles Aycelin, il appartenait aux archevêques de Narbonne, marquant leur présence sur la ville. Malgré les incendies et les reconstructions successives, le château conserve une architecture régulière unique dans la région.

Philippe Allevy souligne la dureté de la vie au Moyen Âge : famines, invasions espagnoles et épidémies de peste rythmaient l’existence des habitants. Pourtant, Quillan a toujours su tirer parti de ses ressources naturelles, reliant la montagne et la plaine pour commercer vin, laine et autres produits.

Quillan, ville de forêts et de radeliers

On jetait les arbres, et les récupéraient à Quillan pour les construire en radeau, et descendre l’Aude pour amener le bois, qui servait à faire aussi bien de la charpente que des bateaux, vers Carcassonne, et même vers la mer, pour faire des bateaux à Marseille !

Château de Puylaurens ©Photos : Sylvain Dossin – Pyrénées Audoises

La vallée de l’Aude a longtemps été un axe économique grâce à la radellerie. Cette activité s’inscrivait dans une gestion rigoureuse des forêts royales et privées de la Haute-Vallée, encore préservées aujourd’hui. En 1891, Quillan devient la première ville électrifiée du département, une avancée qui symbolise son ouverture aux innovations industrielles et à la modernité.

De la chapellerie au Formica : l’âge d’or industriel

Au XIXe et début XXe siècle, Quillan voit l’implantation de nombreuses chapelleries. Après la guerre et la baisse de la mode du chapeau, une nouvelle industrie prend le relais : Formica. Dans les années 1950, Quillan, ancien centre de l’industrie chapelière, connaît une reconversion majeure avec l’installation de l’usine Formica, initiée par l’entreprise anglaise Delarue. La vallée tire parti de ses infrastructures hydrauliques pour produire localement ce matériau plastique, remplaçant les importations britanniques et offrant de nombreux emplois à la population.

L’usine devient un pilier économique local, offrant des salaires attractifs et de nombreux avantages sociaux. Le Formica, matériau décoratif introduit dès 1935, transforme les cuisines françaises et symbolise le confort moderne. La prospérité générée par l’usine a marqué durablement le territoire et ses habitants, jusqu’à la fermeture définitive de l’usine en 2004.

Le succès de l’usine accompagne les Trente Glorieuses : l’économie locale prospère, la population augmente, et la vie culturelle et sportive se développe grâce au comité d’établissement. Le Formica devient symbole de modernité et de confort domestique, soutenu par un marketing massif qui valorise ses qualités pratiques et esthétiques.

Lucile Truffy est doctorante en histoire contemporaine. Elle s’est intéressée à l’histoire du formica, dans la France, des Trente Glorieuses

Localement, il y a aussi tout un réseau d’intermédiaires marchands qui vendent de même le formica aux ménages ou aux fabricants de meubles. L’âge d’or du formica est intimement lié à la difficulté de consommation, on voit les Français augmenter leurs dépenses.

C’est à cette époque que Gérard Cereza rejoint l’entreprise.

Disons que Formica, c’était le fleuron du département de l’Aude, c’était la boîte où on gagnait le mieux sa vie dans le département. C’était vraiment formidable.

Formica, c’est Formidable ?

Pourtant, l’essor industriel s’accompagne de risques sanitaires et environnementaux : les résines utilisées provoquent des dermites chez les employés et des pollutions fluviales au phénol sont documentées. Ces effets seront reconnus plus tard par la Sécurité sociale et les autorités sanitaires. À partir des années 1970, la crise économique, la concurrence internationale et la mode changeante entraînent la désindustrialisation. L’usine réduit ses effectifs progressivement et ferme définitivement en 2004. Elle laisse derrière elle un patrimoine industriel difficile à valoriser mais riche de témoignages et de souvenirs locaux.

Là, c’est une chape de plomb qui vous tombe sur les épaules. Parce que vous êtes responsable syndical, et vous vous dites, maintenant, il va falloir aller au charbon, il va falloir faire en sorte que le personnel puisse partir dans les meilleures conditions. – Gérard Cereza

Les mobilisations à la fermeture de l’usine

Aujourd’hui, Quillan se réinvente : certains préservent la mémoire industrielle via des associations comme Formi Forever, tandis que de nouvelles entreprises, comme la scierie Maugard bois, misent sur le savoir-faire local.

Guillaume Maugard, 4ème génération de l’entreprise familiale.

La ville mise désormais sur ses paysages et le tourisme culturel, laissant derrière elle l’ombre d’une industrie qui a façonné son identité.

Le Poumon vert Audois

Autour de Quillan, la nature impose sa présence. Forêts profondes, gorges encaissées, plateaux sauvages et cirques sculptés par le temps dessinent un territoire d’une rare diversité. Ici, la randonnée est une évidence. Sébastien Erpelding, chargé des sentiers pour la communauté de communes des Pyrénées-Audoises, et l’accompagnateur en montagne Xavier Phan décrivent un espace rural et montagnard, irrigué par l’Aude. Dès que l’on s’élève, on passe des bords du fleuve aux versants qui mènent vers les Corbières, le plateau de Sault ou encore le GR367, le Sentier Cathare. En quelques minutes seulement, le décor change : villages, hêtraies, conifères, prairies d’estive… et leurs troupeaux.

Un carrefour de climats, un kaléidoscope de paysages

Quillan se trouve à la jonction de trois influences climatiques : méditerranéenne, océanique et montagnarde. Une rareté qui explique la richesse géologique et biologique du secteur. Pour les randonneurs, les contrastes sont constants : un même itinéraire traverse plusieurs mondes en quelques kilomètres. Le territoire devient un véritable laboratoire du tourisme durable, où l’environnement sert de support à des expériences immersives plutôt qu’à une consommation rapide de paysages.

Pour Xavier Phan, l’enjeu est d’aider les visiteurs à modifier leurs imaginaires : la montagne n’est pas un décor vide, elle est habitée, travaillée, cultivée. Ici, on croise des troupeaux, des vaches ou des brebis, des agriculteurs, des producteurs de houblon ou de fromage. Ces activités façonnent les paysages autant qu’elles nourrissent les villages. Le tourisme, loin de remplacer l’économie d’hier, s’y ajoute et valorise cette biodiversité vivante. Chaque site reste préservé, sans surfréquentation, permettant des journées entières de solitude, à condition d’en respecter les usages.

Xavier Phan et Sébastien Erpelding

Le Cirque de Quillan, un terrain de jeux pluriel

Dans le Cirque de Quillan, Thierry Boil veille sur les sentiers.

Avec l’Association des gardiens du cirque Quillanais, on part sur le sentier du Bitrague mène aux fameuses Trois Quilles, trois sommets alignés qui dessinent une silhouette emblématique. La diversité du secteur est remarquable : forêts de sapins et de hêtres, gorges, tunnels ferroviaires oubliés, ruines historiques, zones de loisirs et lacs. Les 17 circuits représentent 110 kilomètres d’itinéraires utilisés par des randonneurs, vététistes, chasseurs ou naturalistes : une mosaïque d’usagers qui cohabitent pour faire vivre un patrimoine naturel et culturel dense.

Le tourisme comme moteur de vie locale

Après la fin de son économie industrielle, Quillan s’appuie désormais sur d’autres forces : paysages, patrimoine et activités de pleine nature. Pour Jacques Mamet, vice-président en charge du tourisme, le premier bénéficiaire reste la population locale. Le territoire mise sur le vélo sous toutes ses formes, la voie verte, les grands itinéraires cyclables reliant Méditerranée et Atlantique, et la route des cols. L’objectif est clair : attirer de nouveaux visiteurs, mais aussi créer les conditions pour que certains choisissent d’y vivre.

©Photos : Sylvain Dossin – Pyrénées Audoises

Musique, rugby, vélo : à Quillan, chaque génération fait vibrer la ville à son rythme

À Quillan, le sport est une véritable institution. Le Criterium cycliste, avec plus de 70 ans d’histoire, attire chaque été coureurs professionnels et amateurs dans les rues de la ville. La venue de légendes comme Peter Sagan illustre l’attachement des Quillanais à cet événement et la capacité de Quillan à mêler tradition et modernité sportive.

Le Criterium est attaché à Quillan, les Quillanais sont attachés au Criterium – Patrick Quinta, Président de l’association sportive quillanaise

Le rugby est également au cœur de la vie locale. Le club de Quillan, fondé en 1902, a connu des heures glorieuses et renaît grâce à l’engagement de bénévoles et à la passion des jeunes joueurs. Avec près de 400 licenciés aujourd’hui, le rugby continue de fédérer tout un territoire autour de valeurs de partage et d’effort collectif.

Club Arpal XV – Lou Pech

En fait, il faut venir à Quillan et à Limoux, parce que c’est fabuleux. Cet engouement qu’on a pu connaître pendant la saison. Ils portent les joueurs, quelque part, ils nous imposent d’être bons, de performer. C’est un soutien extraordinaire ! Romain Fauré, entraineur de l’Arpal.

Quillan, une ville qui raconte son histoire

Quillan est un territoire où chaque pierre, chaque usine et chaque sentier raconte une histoire. Entre patrimoine médiéval, prospérité industrielle et ferveur sportive, la ville incarne la richesse et la résilience de la Haute-Vallée de l’Aude. Une immersion sonore et humaine que vous découvrirez dans le dernier épisode de Un jour chez vous.

Pour aller plus loin : le film documentaire Amour Formica

Ecoutez aussi Un jour chez vous dans l’Aude, et en Ariège.

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