Des restrictions lourdes pour les exploitations
En Conflent, les mesures sanitaires ont stoppé net les activités commerciales. « Nous, directement, on est impacté par les mesures de restriction. Il n’y a pas de mouvement d’animaux, donc pas de vente, pas de commercialisation », explique Olivier Noguer, éleveur à Py Mantet, dans les Pyrénées-Orientales. Les éleveurs ont dû procéder à la vaccination de leurs troupeaux dans l’urgence. « On a vacciné tout le monde vendredi dernier et maintenant, on attend que l’immunité se mette en place, ce qui prend environ trois semaines. Pendant ce temps, on vit un peu avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. »
Une gestion sanitaire qui s’assouplit
Au début de la crise, la stratégie d’abattage systématique des troupeaux a profondément choqué le monde agricole.
« Dès qu’il y avait une bête positive, on abattait la totalité de l’exploitation », rappelle Jean-Louis Regnier, président du Syndicat des éleveurs du Conflent et du Fenouillèdes. Grâce à la mobilisation des éleveurs, la gestion s’est peu à peu assouplie. « Heureusement, les choses ont évolué vers le mieux. Aujourd’hui, on peut isoler des lots d’animaux sans tout abattre. L’administration était démunie, mais elle a su écouter la profession. » Les éleveurs demandent désormais que seuls les animaux réellement malades soient éliminés, afin d’éviter de sacrifier des troupeaux sains.
Un territoire pastoral menacé par la DNC
Dans ces montagnes, l’élevage ne se résume pas à une production : il incarne une histoire, un lien profond avec le territoire.
« On a reconstitué, à partir de la fin des années 70, un élevage cohérent, basé sur le pastoralisme, des races rustiques et une génétique de haut niveau. C’est quarante ans de travail qui sont aujourd’hui mis à mal », déplore Jean-Louis Regnier. Les fermes des Pyrénées-Orientales sont souvent le fruit d’un patient effort collectif, soutenu par des politiques publiques et l’engagement d’éleveurs passionnés.
« Certains ont mis vingt ans à constituer un troupeau adapté à leur montagne. Abattre ces bêtes, c’est briser un héritage. »

La vaccination, principale arme de défense contre la DNC
Face au virus, la vaccination massive des troupeaux représente aujourd’hui le principal espoir. « On doit être à 80 % des vaccinations dans la zone concernée », estime Regnier. Les syndicats demandent toutefois un élargissement de la zone vaccinale. « Il faudrait aller au-delà des 50 km actuels, jusqu’à 80 ou 100 km, pour protéger durablement le cheptel. » Sur le terrain, les vétérinaires et les éleveurs ont uni leurs efforts pour agir vite, malgré les contraintes du relief et la dispersion des troupeaux en estive.
Avec l’arrivée du froid, les insectes vecteurs disparaissent peu à peu, réduisant les risques de transmission. Les troupeaux redescendent vers les vallées, sous surveillance. « On croise les doigts pour ne pas être touchés », confie Olivier Noguer. « Nos vaches, c’est notre famille. Si c’est un choc, c’est parce qu’on a mis des années à constituer ces troupeaux adaptés à notre montagne. » Mais la blessure reste profonde.
« Il y a des éleveurs totalement démoralisés, certains ne repartiront pas », reconnaît Jean-Louis Regnier. « Quand on abat des troupeaux entiers, c’est tout un pan de vie rurale qui s’effondre. »
Entre colère et résilience
Malgré la fatigue et les inquiétudes liées à la DNC, les éleveurs des Pyrénées-Orientales continuent de défendre leur modèle pastoral, ancré dans la montagne et le respect du vivant. Leur espoir : que la gestion de la crise prenne davantage en compte la réalité du terrain et la valeur humaine de ces élevages.
