Pyrénées FM La radio des vallées
Le Premier ministre Michel Barnier a annoncé « une enveloppe de 75 millions d’euros » pour « faire face à la FCO (fièvre catarrhale ovine) de sérotype 3 », rendant ainsi l’accès au vaccin gratuit pour les éleveurs des Pyrénées. Mais pour la Confédération Paysanne de l’Ariège, les annonces faites par le gouvernement ne sont pas du tout au niveau des attentes des éleveurs pyrénéens, en particulier ceux impactés par la FCO 8, qui doivent continuer de prendre cette épizootie à leur charge.
Les espoirs étaient grands, la déception n’en a été que plus accentuée. Dans le sud de la France, l’épizootie du sérotype 8 de la fièvre catarrhale ovine (FCO 8) a fait des ravages dans les bergeries. Dans les Pyrénées, à la mi-septembre, ce sont près de 10.000 bêtes qui sont mortes en moins de quatre mois selon une estimation effectué par Pyrénées FM sur le base de données officielles.
Confrontés à une situation économique déjà fragile en raison des nombreuses crises que traversent les éleveurs pyrénéens depuis plusieurs années (en particulier la sécheresse dans l’Aude et les Pyrénées-Orientales), des professionnels de l’agriculture se retrouvent pris en étaux et s’inquiètent de la pérennité de leurs exploitations.
Alors que l’ex-Ministre de l’Agriculture Marc Fesneau se refusait à toute prise en charge du vaccin contre la FCO 8, sa remplaçante Annie Genevard avait laissé penser que les choses seraient différentes avec elle, cette dernière indiquant lors de sa passation de pouvoir : « je veux et je dois avancer vite. Je veux faire en sorte que dans les semaines qui viennent, de premiers résultats se voient dans les cours de ferme. » Quelques jours plus tard, le Premier Ministre confirmait qu’un fonds d’indemnisation à destination des éleveurs ovins serait déployé. C’est peu dire que les éleveurs du sud de la France qui ont perdu jusqu’à 50 % de leurs troupeaux cet été ont vu ces pré-annonces comme une opportunité de pouvoir reconstituer leurs troupeaux sans avoir à s’endetter davantage.
Finalement, le vendredi 4 octobre aura été décevant, tant pour les syndicats agricoles que les éleveurs. Si le Fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (FMSE) est ouvert aux éleveurs touchés par la FCO 8 jusqu’au 31 décembre 2024, ce dernier, budgété, ne couvrira pas l’ensemble des pertes économiques engendrées par cette crise. Quant à la vaccination contre la FCO 8, elle continuera à ne pas être prise en charge. La Ministre Annie Genevard s’est en revanche engagée à ce que la production des doses soit accélérée pour éviter les ruptures. Les syndicats espéraient plus de la part du gouvernement Barnier. C’est raté.
Les éleveurs touchés par la FCO 8 n’ont eu pour seul lot de consolation que la possibilité de bénéficier d’une prise en charge des vaccins contre la FCO 3, maladie qui pourrait atteindre les élevages pyrénéens avant le début de l’hiver. Un moindre mal pour éviter une deuxième hécatombe dans les bergeries. Dans ce contexte, les collectivités se montrent en soutien et tentent de rassurer : le département de l’Ariège (le plus touché des Pyrénées) a par exemple accepté de prendre en charge les tests de fertilité des béliers. La région Occitanie, par la voix de Carole Delga, a confirmé au micro de Pyrénées FM qu’elle aiderait financièrement à la reconstitution des troupeaux (sans dire quand).
Pour autant, la Confédération Paysanne de l’Ariège ne souhaite pas en rester là. Angel Alegre, co-porte parole de la division départementale de l’organisation, a fait le point sur la situation dans le secteur de l’élevage des Pyrénées le 09/10/24.
Pyrénées FM : Où en sommes-nous dans les élevages Pyrénéens ? Est-ce que c’est la fin de l’hécatombe ?
Angel Alegre, Confédération Paysanne de l’Ariège : Alors, c’est une fin d’hécatombe en soi, mais la problématique persiste, et les éleveuses et éleveurs continuent de subir l’impact qu’a eu cette épidémie. Donc, ça ne s’arrête pas du jour au lendemain.
Quelle a été votre réaction, celle de votre syndicat et de vos adhérents après les annonces qui ont été faites par le Premier Ministre Michel Barnier et la Ministre de l’Agriculture Annie Genevard la semaine dernière ? C’est la fin d’un long silence ?
Pas du tout, pas du tout. Déjà, il y a toujours une distinction entre le nord et le sud selon le type de la maladie. Le sérotype 8 n’est toujours pas pris en considération à la hauteur des mortalités et de l’impact qu’il y a eu sur la profession. On l’a vu même avec les questions posées au gouvernement, et ce qui a été manqué par notre députée ariégeoise vis-à-vis de la ministre de l’Agriculture. Il y a vraiment deux poids, deux mesures à chaque fois entre le sérotype 8 et le sérotype 3. Les mesures annoncées ne sont pas du tout à la hauteur des attentes des éleveuses et éleveurs.
Pour autant, la prise en charge des vaccins contre le sérotype 3 a été confirmée. C’est une annonce que vous avez bien accueillie ?
C’est une annonce qui a été bien accueillie, bien sûr, mais encore une fois, pour le sérotype 8, rien n’a été mis en place. On attend toujours, car dans tous les cas, on risque de faire face à deux maladies, enfin, qui sont les mêmes, mais avec deux variants différentes. Et donc, comment l’État va-t-il réagir là-dessus ?
Pourquoi est-ce qu’il est encore nécessaire selon vous d’avoir une prise en charge du vaccin contre le sérotype 8 alors qu’on sait que la maladie ne devrait pas continuer à se transmettre dans les élevages pyrénéens cet hiver ?
Nous entrons dans l’automne, donc le moucheron est beaucoup moins actif, c’est certain, mais après l’automne, il y a l’hiver et le printemps. Les saisons vont continuer à se dérouler, et le sérotype 8 peut très bien réapparaître, tout comme le sérotype 3 peut également descendre jusqu’à chez nous. Si la vaccination est un outil utile, il va falloir mettre en place une vaccination pour tous les types, quel qu’il soit.
Vous disiez que ces annonces ne sont pas au niveau des attentes. Quelles sont vos attentes ?
Il y a des points à améliorer à court terme, comme l’indemnisation qui devrait prendre en compte les pertes indirectes et directes, notamment en Ariège et dans les départements voisins. Il y a aussi des avancées pour la filière, par exemple dans les abattoirs qui vont subir une perte de tonnage d’abattage d’agneaux. Les éleveurs laitiers, eux, auront des difficultés à relancer leurs troupeaux et à produire du fromage l’année prochaine. Quelques gains ont été réalisés, par exemple en Ariège, où des tests de fertilité pour les béliers seront pris en charge par le département. Ce sont de petites avancées pour éviter que le coût économique sur les fermes soit trop lourd, mais nous avons besoin de beaucoup plus. À moyen et long terme, nous avons besoin d’une véritable politique sanitaire pour les élevages, digne de ce nom, qui ne soit pas simplement dictée par la filière industrielle.
Il y aussi une volonté des éleveurs d’avoir des exploitations qui vivent par elles-mêmes, sans subventions. Cela nécessiterait une réflexion plus globale au niveau du Ministère de l’Agriculture. C’est quelque chose que vous portez ?
Cela fait longtemps que nous portons ces revendications, notamment pour renforcer la résilience locale des élevages, sans pour autant tomber dans une politique sanitaire absurde qui ne prend pas en compte l’élevage paysan. Pour citer quelques exemples : certains élevages utilisent des plantes pour soigner leurs animaux, mais sans autorisation de mise sur le marché, ces pratiques sont interdites. D’autres produits ne sont pas pris en compte. Des avancées se font par l’expérimentation, avec des pratiques d’élevage qui évoluent grâce à l’expérience, mais cela n’est pas reconnu. Seule la chimie est mise en avant.
Vous comptez encore faire pression dans les prochains jours ?
Les pressions s’exercent partout, aussi bien dans le nord que dans le sud, pour faire entendre que cette crise ne doit pas nous faire perdre des éleveuses et éleveurs. Les collectivités locales relaient nos revendications. La Confédération Paysanne tente par tous les moyens de pousser l’État à aller au-delà de ce qui est annoncé, car les pertes s’élèvent à deux ou trois fois plus que ce que Michel Barnier prévoit d’apporter en compensation à nos éleveurs.
Written by: Melvin Gardet
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