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EN DIRECT« Elle portait beaucoup de choses à bout de bras » : le portrait de Delphine Jubillar au cœur du procès.

À travers le témoignage de Valentin Belbeze, enquêteur de personnalité indépendant, se dessine le portrait d’une femme discrète, marquée par une enfance difficile mais aussi portée par une profonde loyauté familiale et professionnelle, et d'une posture "sacrificielle".
Photo S. Leborne
©Photo S. Leborne

Au deuxième jour du procès de Cédric Jubillar, Valentin Belbeze, enquêteur de personnalité indépendant, est revenu longuement sur la vie de Delphine Jubillar, née Aussaguel, disparue en décembre 2020. À travers son témoignage, se dessine le portrait d’une femme discrète, marquée par une enfance difficile mais aussi portée par une profonde loyauté familiale et professionnelle, et d’une posture « sacrificielle » : « Elle porte beaucoup de choses à bout de bras, c’est dans sa posture, ce besoin d’être utile et présente pour les autres », conclut Valentin Belbeze.

Une enfance « cabossée » dans le Tarn

Delphine Aussaguel voit le jour le 15 novembre 1987 à Albi. Son père, alcoolique et décrit comme sévère, meurt alors qu’elle est encore jeune. « Son papa, il ne fallait pas en parler », confiera sa tante. Sa mère, aimante mais fragile et dépressive, tentera de combler le manque d’amour paternel, et décèdera en 2016. Dès l’adolescence, Delphine se retrouve confrontée aux défaillances parentales. Elle endosse très tôt un rôle d’adulte : « Elle a même habillé et maquillé sa mère morte… il faut être forte pour ça », rappelle, une fois encore sa tante.

A lire aussi : Procès Jubillar : familles d’accueil sur familles d’accueil, entre sept et huit joints par jour, l’enfance de Cédric Jubillar cabossée.

« les raviolis c’était la fête chez eux, quand on pouvait se les offrir »

Élevée dans un quartier HLM du Tarn, dans un contexte de précarité, elle apprend vite à se débrouiller seule. « On ne mangeait pas toujours à notre faim, mais on s’est serré les coudes. Elle ne se plaignait jamais et se montrait même reconnaissante », raconte sa sœur Stéphanie à l’enquêteur. Me Boguet, avocat des enfants du couple, souligne les témoignages de l’entourage : « À l’instar de celui qui va devenir son mari, Delphine n’est pas née avec une cuillère en argent dans la bouche : les raviolis c’était la fête chez eux, quand on pouvait se les offrir, il fallait faire parts égales, ils comptaient les raviolis ».

« Elle était au petits soins pour nous dès qu’on se faisait des bobos, elle était bienveillante »

Malgré les difficultés, la fratrie se construit une unité indéfectible. Stéphanie, l’aînée, puis Sébastien et Matthieu, complètent ce « clan » très soudé.  » Elle était au petits soins pour nous dès qu’on se faisait des bobos, elle était bienveillante, on était en contact régulier », nous avions un groupe whatsapp », souligne à la barre son frère Sébastien. Même discours pour son frère Mattieu : « Elle prenait soin de moi, pour les petits bobos, mais aussi financièrement, par exemple, au début de mes études, elle a été caution quand j’ai eu mon appartement ».

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« Le choix de devenir infirmière, elle l’avait depuis toujours. C’était une vocation. »

L’école devient un refuge pour Delphine, élève réservée mais investie, entourée d’un cercle d’amis fidèles. Après un bac médico-social, elle poursuit des études d’infirmière et obtient son diplôme en 2011. « Le choix de devenir infirmière, elle l’avait depuis toujours. C’était une vocation. Elle se servait aussi de son métier pour nous aider, quand nous en avions besoin. Elle adorait la série Urgences. », a déclaré à la barre Stéphanie, la soeur de Delphine.

À l’hôpital d’Albi, puis à la clinique Claude Bernard, ses collègues saluent son sérieux et sa discrétion : « Elle laisse l’image d’une professionnelle volontaire. Lors de la crise sanitaire, elle s’est portée volontaire pour l’unité Covid », souligne l’enquêteur. « Il occupe tellement d’espace qu’à un moment donné il crée des difficultés dans le maintien de l’union familial de Delphine, finalement à chaque fois qu’il passe il crée le vide », souligne Me Boguet.

« Lui était tout feu tout flamme, sanguin, brut de décoffrage. Elle, timide et réservée »

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S. Leborne

Réservée et pudique, Delphine connaît peu d’histoires avant sa rencontre avec Cédric Jubillar, lors d’une fête à ses 18 ans. Leur couple officialise en 2005. « Lui était tout feu tout flamme, sanguin, brut de décoffrage. Elle, timide et réservée. Je n’aurais jamais cru qu’elle ferait sa vie avec lui », confie sa soeur Stéphanie, à l’enquêteur. « C’était un peu le vilain garçon, elle savait qu’il n’était pas stable, mais son côté festif lui plaisait, elle voulait le faire changer, elle le portait à bout de bras » dira l’entourage.

Après un concubinage à Albi, le couple s’installe en 2014 dans une maison en construction à Cagnac-les-Mines, avec un premier enfant, Louis, la même année. Mais le chantier inachevé, les dettes, les disputes et la consommation de cannabis de Cédric fragilisent peu à peu leur relation. « Elle était résignée, c’était un taudis », décrit un proche. Malgré les conseils de son entourage de quitter son mari, Delphine s’accroche. Jusqu’à l’automne 2020, où elle décide de rompre.

Une renaissance grâce à un nouvel amour : « elle est passée d’éteinte à solaire »

En janvier 2020, Delphine s’inscrit sur un site de rencontres. Elle y croise Donat-Jean Maquet, avec qui elle noue une relation sérieuse. Après des échanges virtuels, vers fin juillet, une première rencontre a lieu « Elle était très timide« , confie Donat-Jean Maquet à l’enquêteur. Leur histoire débute, des liens se renforcent, ça devenait sérieux. Ils envisagent d’officialiser, Donat-Jean Maquet constate une métamorphose : « Elle était très timide au début. Puis, on a senti une métamorphose : j’ai trouvé l’interrupteur, elle est passée d’éteinte à solaire. Elle reprenait soin d’elle », raconte-t-il. Cette relation redonne confiance à Delphine, qui commence à s’affirmer face à son mari et envisage un divorce.

Une mère aimante dans l’ombre de l’autorité parentale de son mari : « Elle ne bronchait pas, elle se trouvait diminuer face à Cédric Jubillar« 

Maman de deux enfants, Delphine apparaît comme une mère présente, protectrice sans être étouffante. « Selon les témoignages recueillis, ses enfants étaient sa priorité », rapporte l’enquêteur. Mais dans son couple, elle avait tendance à s’effacer : « Il a aussi été noté que dès que Cédric arrivait, elle se mettait en retrait, c’était on/off. Elle ne bronchait pas, elle se trouvait diminuer face à Cédric Jubillar ».

Confrontée aux colères de Cédric sur son fils Louis, parfois perçues comme de la maltraitance par ses proches, elle ne réagissait pas toujours : « En tout cas, pas suffisamment », regrette l’entourage. « Vous avez d’un côté quelqu’un qui aime occuper le territoire et, de l’autre, quelqu’un d’effacé qui pourtant fait beaucoup de choses », résume Me Boguet, avocat des enfants du couple.

Interrogé par Me Rongier, avocate de la meilleure amie de Delphine, l’enquêteur confirme n’avoir relevé chez Cédric aucun mot de reconnaissance envers son épouse : « Je l’ai rencontré un an et demi après la disparition de sa femme. Dans ses récits, j’ai eu effectivement très peu d’affecte, mais plutôt du factuel, ou quels ont été leurs sujets de discorde.Il a parlé du couple, de la maison, mais pas d’elle… », « alors que c’est sans doute dans ce foyer qu’elle s’est le plus donnée. », souligne Me Pauline Rongier.

« D’un mécanisme de soumission à une libération »

Si le couple ne s’était pas encore séparé physiquement, une rupture affective s’était bel et bien installée. « Vous parlez d’une séparation, mais ils vivaient encore ensemble… vous parlez donc d’une séparation affective ? » demande Me Decaune, avocat des frères et de la sœur de Delphine. Réponse de l’enquêteur : « Oui, tout à fait. ». Delphine prend alors peu à peu son indépendance : « On est bien passé d’un mécanisme de soumission à une libération », résume Me Deaceaune.

Un renversement de situation qui culmine avec sa rencontre en 2020 avec Jean-Marc Maquet, un nouveau compagnon. « Elle était très timide au début. Puis, on a senti une métamorphose : j’ai trouvé l’interrupteur, elle est passée d’éteinte à solaire. Elle reprenait soin d’elle », confie son nouvel amant, à l’enquêteur.

Depuis sa disparition, ses proches insistent sur le vide immense laissé derrière elle, notamment pour ses enfants, désormais privés de celle qui incarnait leur repère.

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