Neuvième jour d’audience au tribunal judiciaire d’Albi, où se joue le procès de Cédric Jubillar, jugé pour le meurtre de son épouse Delphine, disparue dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020.
Ce lundi 6 octobre, l’audience était particulièrement attendue : à la barre, Donat Jean, l’amant présumé de l’infirmière tarnaise.
« Les premiers et les derniers mots entre Delphine et moi ont été des mots de passion »
Dès les premières minutes, l’expert automobile de 45 ans, venu de Montauban, livre une déclaration empreinte d’émotion :
« Je trouve triste la tournure qu’a prise cette histoire d’amour. Je trouve triste que beaucoup de propos aient pu être édulcorés. Moi, ce que je vois, c’est que les premiers et derniers mots entre Delphine et moi ont été des mots de passion. On ne savait pas où ça allait nous mener, mais c’était passionnel. (…) Elle a eu rapidement des menaces de son mari, et la défense tourne la tête pour chercher un autre coupable », s’agace-t-il.
Le témoin revient ensuite sur sa rencontre avec Delphine Jubillar, au printemps 2020, via Gleeden, un site de rencontres extraconjugales : « Quand j’ai rencontré Delphine, j’étais en couple depuis onze ans avec Cathy M. Notre relation s’était détériorée, je ne savais pas comment partir, et j’ai fait une bêtise. J’ai voulu goûter au fruit interdit, et j’ai rencontré Delphine le 19 juillet. On s’est vus pour la première fois au lac de Salvagnac. Ce n’était pas juste une histoire charnelle, mais une histoire d’amour. On avait des discussions intarissables, on essayait de se voir le plus souvent possible, environ deux fois par mois, de manière discrète car nous étions tous deux dans une position d’adultère. »
Une relation prête à s’assumer
Selon Donat Jean, les amants avaient franchi une étape décisive : ils s’apprêtaient à annoncer leur relation à leurs conjoints respectifs. Le soir du 15 décembre 2020, la veille de la disparition de Delphine, le couple échange encore trois messages d’amouret commande « un carton de bon vin ».
« Ce matin-là, j’ai cru à une blague »
Le lendemain, l’homme apprend la disparition de sa Delphine. « Ce matin-là, mon téléphone a sonné, un gendarme m’a appelé avec un 06 pour me dire que Delphine avait disparu. De mémoire, j’ai cru à une blague et j’ai répondu : “Ce n’est pas plutôt Cédric au téléphone ?” Puis ensuite je ne comprenais pas, je me suis dit qu’ils s’étaient disputés avec Cédric, qu’elle allait revenir, je devais l’appeler », poursuit-il.
« Comment expliquez-vous que votre numéro apparaisse dans ce relevé ? »
Après une audition qui durera une heure, et après avoir répondu aux questions des avocats des parties civiles, l’audience a pris un tournant lorsque les avocats de la défense ont pointé une anomalie majeure dans le dossier. En effet, ils sont revenus sur le travail des enquêteurs, qui, après la disparition de Delphine, avaient déclenché des recherches d’indentification téléphone. Ils recenseront 4 747 numéros ayant bornés autour du domicile des Jubillar la nuit du drame, avant de resserrer les heures et d’en retenir 551, dont 217 qui vivaient loin de Cagnac Les Mines. L’audience s’enflamme alors lorsque les avocats de la défense soulignent une incohérence majeure dans les relevés téléphoniques analysés par les enquêteurs. Selon eux, le téléphone de Donat Jean aurait été détecté à Cagnac-les-Mines, dans la nuit même de la disparition de Delphine Jubillar.
« Comment expliquez-vous que votre numéro apparaisse dans ce relevé, M. Donat ? », interroge Me Franck, avocat de Cédric Jubillar. « Je ne peux pas répondre quelque chose de cohérent, j’étais pourtant chez moi », rétorque Donat Jean.
« Pourtant, votre téléphone est détecté dans la nuit du 15 au 16 décembre, à Cagnac-les-Mines — et plus grave encore — cela a été volontairement caché par les enquêteurs. Ils ont bien fait une réquisition téléphonique, ont retenu les lignes appartenant à 217 personnes habitant loin du domicile. M. Donat Jean, vivant à Montauban, est concerné. Or, sur ces 217 études, il en manque une : celle de Donat Jean. Le procès-verbal N129 est inexistant mais numéroté quand même », expose Me Franck, l’un des avocats de Cédric Jubillar. Un document jugé « trompeur » par la défense, car il conclut que les lignes de Donat Jean et de Cathy M. n’ont pas été localisées.
Face à cette révélation, l’amant réplique, pince-sans-rire : « Je suis ravi de voir que les avocats de Cédric sont experts en téléphonie. »
« Je n’ai plus confiance en les gendarmes »
À la reprise des débats, la présidente de la cour décide qu’elle fera revenir les gendarmes à l’origine des procès-verbaux, afin d’éclaircir les zones d’ombre. Me martin de conclure « Je n’ai plus confiance en les gendarmes. Je veux bien qu’on aille chercher les éléments, mais je ne souhaite pas que les gendarmes y soient missionnés. »
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