Ariège. Quatre femelles bouquetins relâchées à Soulcem dans le cadre d’un programme de conservation et d’une étude scientifique inédite

Le site de Soulcem a été le théâtre d’un spectacle des plus époustouflants ce vendredi 28 mars.: quatre étagnes (femelles bouquetins) ont été relâchées dans le cadre d’un programme de renforcement de l’espèce sur la commune d’Auzat. Cette opération de conservation, menée par le Parc Naturel Régional (PNR) et l’INRAE de Toulouse, en collaboration avec le Parc National des Pyrénées et le bureau d’étude CERA, s’accompagne d’une étude comportementale innovante, dirigée par Nathan Ranc, scientifique à l’INRAE. Une étude pionnière qui vise à mieux comprendre les processus d’apprentissage et les mécanismes comportementaux développés par les bouquetins dans leur nouvel environnement.

PODCAST – On écoute Julien Canet du Parc Naturel Ariégeois

250 individus dans les Pyrénées ariégeoises

Capturées en Espagne dans la Sierra Guadarrama, « ces femelles bouquetin ont entre 6 et 12 ans », indique le Parc Naturel Régional. Initialement prévue cet été, cette réintroduction avait été reportée en raison de « risques sanitaires » signalés par les opérateurs espagnols. Ce nouveau lâché a pour objectif de réintroduire des femelles pour augmenter la taille du groupe situé sur le massif du Montcalm, souligne le PNR : « Depuis 2014, le PNR et le Parc national des Pyrénées mènent conjointement une campagne de réintroduction du bouquetin des Pyrénées. En France, cet animal emblématique de la chaîne avait disparu depuis 1910. Ce projet porte ses fruits puisque l’on compte aujourd’hui environ 250 individus dans les Pyrénées ariégeoises, 650 à l’échelle du massif.».

Une étude comportementale soutenue par le ministère de la Recherche

Plusieurs examens médicaux ont été réalisés sur les bouquetins avant qu’ils rejoignent les barres rocheuses: prélèvements sanguins, poses de colliers GPS, mesures : autant de données nécessaires pour mener à bien « Une étude pionnière », explique Nathan Ranc, scientifique à l’INRAE : « Cette étude collaborative est unique, car c’est la première fois que nous allons suivre le comportement, en même temps et au même endroit, d’individus relâchés et d’individus déjà présents sur site, cette étude porte notamment sur la façon dont les animaux s’adaptent à un nouvel environnement, comment ils choisissent leur lieu d’installation, comment confrontés à de nouvelles conditions et à un paysage inconnu ils prennent leurs décisions de mouvement, mais c’est aussi une étude comportementale fine, indique le scientifique, on va par exemple mesurer leur dépense énergétique grâce à des accéléromètres, et évaluer la composition et la qualité de leur régime alimentaire grâce à des observations visuelles et des récoltes d’excréments toute l’année ».

Des conclusions qui vont permettre aux scientifiques de réaliser des cartes « de qualité d’habitat », d’identifier les meilleurs sites ou encore anticiper des contraintes liées au changement climatique. Cette opération vise également à diversifier la population locale, largement composée de mâles issus de la même lignée: « Le choix du site de Soulcem ne doit rien au hasard : une dizaine de bouquetins réintroduits dans le cadre du même programme y vivent déjà. Toutefois, leur ascendance commune limite le brassage génétique et peut, à terme, engendrer des problèmes de consanguinité », souligne le PNR. Ainsi, l’arrivée de ces nouvelles femelles va permettre d’apporter un renouvellement génétique, essentiel pour renforcer la résilience de l’espèce.

Ce projet est porté par Nathan Ranc, scientifique à l’INRAE (unité Comportement et Écologie de la Faune Sauvage, CEFS), par Alexandre Garnier, animateur du plan de restauration du bouquetin ibérique dans les Pyrénées (Parc national des Pyrénées), en collaboration avec Julien Canet du parc naturel régional des Pyrénées Ariégeoises, .avec le soutien de la DREAL Occitanie et du CERA Environnement.