Achats de Noel pour sa fille, soirée avec son fils : la dernière journée de Delphine Jubillar passée en revue.
Troisième jour du procès de Cédric Jubillar. De sa routine familiale aux échanges avec son amant, en passant par les tensions avec son mari, l’enquêteur détaille également les moyens colossaux déployés par les gendarmes pour tenter de la retrouver.
Hier, mercredi 24 septembre, au troisième jour du procès de Cédric Jubillar, la cour a longuement entendu le major Bernard Lorvellec, chef de l’enquête depuis le 17 décembre 2020. Spécialiste des dossiers complexes, il est revenu sur les trois étapes de l’instruction : de la “disparition inquiétante” à l’hypothèse d’un “meurtre par conjoint”. Il expliquera également avoir écarté les thèses de rôdeurs, de suicide et de départ volontaire.
Me Pressecq, avocat de la cousine de Delphine Jubillar
Delphine Jubillar, une vie en pleine évolution
À la barre, le major Lorvellec dresse un constat clair : Delphine Jubillar traverse une période de changement. Delphine Jubillar a clairement annoncé à son époux sa volonté de divorcer, et entretien une relation amoureuse avec un certain Jean Donat depuis quelques mois. « Elle est solaire et joyeuse », selon ses proches, « bien loin de quelqu’un qui voudrait mettre fin à ses jours ».
« Elle paraît amoureuse, plus attentive à son apparence. Elle achète de la lingerie, loue des véhicules. Elle vit une relation avec un certain Donat Jean, qu’elle veut sérieuse et tournée vers l’avenir », explique-t-il.
Face à cette évolution, Cédric Jubillar, « qui refuse toute séparation », selon les enquêteurs, comprend que son épouse a un amant. Il tente de la reconquérir en reprenant les travaux de la maison, tout en surveillant ses faits et gestes : consultation des comptes bancaires, contrôle des dépenses… jusqu’à ce que Delphine bloque son accès et change le code de sa carte bleue.
Aussi, souligne l’enquêteur, rien n’indique une volonté de fugue.
« Delphine n’était pas dans une démarche de quitter son domicile. Elle avait de nombreuses amies, une vie sociale active, et ne s’est confiée à personne sur un projet de départ. Le 15 décembre 2020, elle achète même des cadeaux de Noël pour sa fille. Or, pour disparaître, il faut une logistique : de l’argent, un véhicule, une préparation. Rien de tout cela n’apparaît. Elle n’a effectué aucun retrait et sa voiture est restée stationnée devant la maison. »
Dernière journée de Delphine : des achats de cadeaux de Noël pour sa fille Elyah
Le major Lorvellec a ensuite retracé l’ultime journée connue de Delphine Jubillar, le 15 décembre 2020.
Matinée : Delphine dépose son fils Louis à l’école, se rend à la clinique avec sa fille pour récupérer un chèque-cadeau, puis partage un café avec une amie, avant de récupèrer son fils Louis pour le déjeuner, puis le redépose à l’école.
Après-midi : Pendant la sieste de sa fille, elle effectue des achats de Noël en ligne pour sa fille Elyah expliquent les enquêteurs. Puis, elle retourne chercher son fils à l’école.
Soirée : Cédric Jubillar rentre du travail à 18h40. À 21h15, Delphine couche sa fille Elyah, puis s’installe sur le canapé, où elle envoie à son amant une photo en combishort — un cliché retrouvé par les enquêteurs. Elle converse ensuite avec lui au téléphone, assise près de son fils.
22h-23h : Cédric sort promener les chiens avant de se coucher. Il demande un câlin à sa femme et à son fils, puis retourne dans la chambre. Delphine et Louis restent dans le salon pour regarder La France a un incroyable talent. Louis se couchera vers 23h30, dernière fois où il verra sa mère.
« Louis entend ses parents se disputer »
Cédric Jubillar – photo Stéphanie Leborne
Le témoignage de Louis occupe une place centrale. Entendu dès le 16 décembre 2020, puis à deux autres reprises, il raconte la même scène :
« Après l’émission, mes parents se sont disputés. J’étais dans le couloir, je regardais par l’espace libre de la porte. J’ai vu ma mère en pyjama, portant ses lunettes. Il entend son père dire : “Alors on va se séparer”, puis un “arrête-toi”, suivi de bruits laissant penser à une lutte. J’ai fait exprès de faire du bruit pour qu’ils arrêtent. »
L’accusation considère ce témoignage comme un élément accablant, suggérant une altercation conjugale dans la nuit du 15 au 16 décembre.
« 500 témoins entendus, une enquête d’un demi-million d’euros »
La suite, chacun la connaît : Cédric Jubillar affirme s’être réveillé vers 3 h 45, alerté par les pleurs de sa fille Elyah. C’est alors qu’il constate l’absence de son épouse et remarque que les chiens de la famille se trouvent dehors, ce qui n’était pas habituel.
Il décide alors d’alerter les gendarmes. À la barre, le major Bernard Lorvellec rappelle l’ampleur exceptionnelle des moyens déployés dans les jours, semaines et années qui suivent : analyses ADN, recherches de restes humains, interventions de plongeurs de la gendarmerie, utilisation d’un sonar, mobilisation de spéléologues et de militaires spécialisés dans les fouilles. « Malgré tous ces moyens, Mme Jubillar n’a pas été retrouvée. Pourtant, nous ne nous sommes rien interdit », insiste l’enquêteur. « Des moyens considérables qui s’élèvent à un demi million d’euros », souligne la défense.
Les investigations se sont aussi concentrées sur la téléphonie. Dans la nuit du 15 au 16 décembre, 551 connexions ont été relevées sur le relais de Cagnac-les-Mines. Parmi elles, 219 ont retenu l’attention des gendarmes et 65 usagers ont été directement interrogés. « Nous avons vérifié toutes les personnes qui n’avaient rien à faire à Cagnac-les-Mines ce soir-là. Aucun élément ne permet de les relier à Delphine ou à Cédric Jubillar », précise le directeur d’enquête.
« Des cris d’une femme dans la nuit, et des aboiements de chiens »
Le major Lorvellec rapporte aussi le témoignage d’une voisine : en sortant fumer une cigarette, elle aurait entendu des cris de femme mêlés aux aboiements de chiens, pendant près de dix minutes. « Nous sommes en hiver. Les portes sont closes, les volets descendus. Personne, depuis l’intérieur de sa maison, n’a pu entendre ces appels », rappelle l’enquêteur.
Les lunettes de Delphine retrouvées branches cassées
Enfin, les enquêteurs ont relevé une paire de lunettes de Delphine, branches cassées, portant les empreintes des deux époux. Aucun témoin n’a vu Delphine les utiliser dans cet état la veille de sa disparition. Cédric Jubillar explique que sa femme les utilisait malgré tout, une version non confirmée par l’entourage de Delphine.