« Pour le protéger, je l’ai placé en famille d’accueil. J’avais 16 ans et demi. »: la mère de Cédric Jubillar face à la cour.

Vêtue de bleu, comme lors du premier jour du procès, Nadine née Jubillar, épouse Fabre, a témoigné ce mercredi 8 octobre à la barre. Partie civile au procès de son fils, elle a été longuement interrogée par la présidente de la cour, Hélène Ratinaud.

« Je n’ai jamais abandonné mon fils »

D’une voix posée, elle est d’abord revenu, sur la demande de la présidente sur les conditions de l’enfance de Cédric : « Je n’ai jamais abandonné mon fils. À un moment, je me suis retrouvée à la rue. Pour le protéger, je l’ai placé en famille d’accueil. J’avais 16 ans et demi. ». Elle évoque un parcours difficile, marqué par la précarité et des décisions douloureuses. Le père biologique, Gérard D, n’a eu, selon elle, aucun contact avec Cédric jusqu’à ses 14 ans.

« Il a voulu le rencontrer, j’ai compris et accédé à sa demande. Ils se sont vus deux ou trois fois, il a reconnu son fils dans le seul espoir de me reconquérir. ». Interrogée sur la version du père, qui affirme qu’elle aurait fait obstacle à ses droits de visite, Nadine Jubillar répond sans détour : « Non, absolument pas. »

« Quand on a découvert qu’il fumait, on lui a fait fumer un paquet de Gitane maïs pour le dégoûter. »

À la question de la présidente  » Quel regard portez vous sur l’enfance de votre fils, ses placements », Nadine Fabre, se fige, marque un long silence torturé, puis reprend : « C’est compliqué pour moi d’en parler. J’ai toujours ressenti de la culpabilité de ne pas avoir été capable de m’occuper de lui, même si j’ai fait des choses pour le mettre à l’abri. ». Elle répondra que Cédric ne lui a cependant jamais rien reproché.

Puis, viennent les souvenirs plus sombres de la vie familiale. À l’âge de sept ans, Cédric rejoint le foyer Fabre. La présidente interroge alors Nadine Fabre sur les signalements qu’elle aurait faits aux services sociaux : « Vous aviez dit que vous alliez quitter votre mari en lien avec des violences sur vos enfants, sur Cédric. Nous sommes là pour comprendre. ».

« Quand il est revenu à la maison, je venais d’avoir son petit frère. J’avais moins de temps pour lui, et par culpabilité, je le laissais faire ce qu’il voulait. » Elle reconnaît également que son mari, M. Fabre, a pu se montrer « vindicatif » : « Je n’aime pas le mot “violent”, mais oui, il a pu corriger Cédric par moments. Quand on a découvert qu’il fumait, on lui a fait fumer un paquet de Gitane maïs pour le dégoûter. On a pu lui mettre des baffes. »

Dans le box, Cédric Jubillar, les bras posés sur la vitre, s’agite sur sa chaise. Il regarde sa mère, puis la salle. Un moment lourd, où le passé familial se mêle au présent judiciaire.

La métamorphose de Cédric Jubillar : du jeune homme jovial à l’adulte colérique

Interrogée sur le caractère de Cédric lorsqu’il était jeune adulte, la grand mère de Louis et Elyah évoque d’abord un tempérament bouillonnant. « C’était une pile électrique, toujours en mouvement, entouré de nombreux amis, il sortait beaucoup — du moins avant son mariage avec Delphine », résume-t-elle.

Nadine Fabre se souvient de cette époque avec nostalgie. « Il était jovial, agréable, l’opposé de ce qu’il est devenu par la suite. Quand il m’a présenté Delphine, je me suis dit que c’était très bien : elle était posée, calme. Je pensais qu’elle allait le tempérer… et j’espérais que cela durerait. »

Mais au fil des années, le portrait s’assombrit. La présidente rappelle les précédentes déclarations de la grand-mère, notamment lors de sa garde à vue : « Vous aviez dit qu’il s’emportait vite, qu’il criait, qu’il s’énervait pour un rien — qu’il était colérique, impulsif. »

Maître Géraldine Vallat, avocate de la mère de Cédric Jubillar


La témoin acquiesce : « Oui, c’est le changement que j’ai constaté. Il était devenu impulsif, parlait fort, criait. Il fallait toujours qu’il ait raison, qu’il ait le dernier mot. J’ai mis cela sur le compte de sa consommation de stupéfiants : quand on est en manque, on est sur les nerfs…, on ne supporte rien et on s’emporte vite. »

« Si elle veut vraiment divorcer il faut que tu l’admettes »

Dès l’été 2020, la relation entre Cédric et Delphine prend un tour décisif, raconte la présidente avant de reprendre le témoignage de la mère de Cédric. « Oui, dès l’été 2020 il a commencé à venir tout seul à la maison – Delphine voulait divorcer, il ne voulait pas perdre la maison et il nous a demandés si on voulait être locataire de sa maison. Il nous disait que Delphine voulait le quitter parce qu’elle en avait marre, que les travaux n’avançaient pas dans la maison, et qu’il n’avait pas de travail fixe. »

Nadine Fabre affirme n’avoir jamais abordé directement le sujet du divorce avec Delphine, par crainte d’être mal interprétée. « Je ne voulais pas qu’elle prenne ma démarche dans le mauvais sens du terme. » Elle raconte avoir alors conseillé son fils : « Si elle veut vraiment divorcer il faut que tu l’admettes – j’ai même pris RDV chez l’avocate – je l’ai accompagné à ce rendez-vous. Au début il ne voulait pas divorcer, mais j’ai eu le sentiment qu’à force, oui, il se faisait à l’idée ». Selon elle, « Cédric aimait Delphine – mais les derniers mois il avait quand même accepté qu’ils allaient divorcer. »

“Perdre sa maison, ça représentait la perte d’un statut social, familiale, un statut d’homme”

Interrogée sur son recours à un avocat, elle précise : « À cette époque-là Cédric s’est reposé beaucoup sur moi, notamment pour les démarches, et j’avais déjà un avocat dans mon répertoire. » A la question « Qu’est-ce que ça représentait pour lui de perdre sa maison ? : Nadine Fabre répond “Ça représentait la perte d’un statut social, familiale, un statut d’homme” 

La mère de Cédric relatera ensuite ses derniers contacts avec Delphine. « La dernière fois que j’ai vu Delphine c’était pour l’anniversaire d’Elyah – et une autre fois où elle était tombée en panne de démarreur – et comme ils n’avaient pas de voiture, j’ai fait le tour des casses, j’ai trouvé la pièce – je lui ai donné, et elle a tout de suite voulu me rembourser j’ai dit ça ne presse pas. » Elle se souvient qu’ensuite Cédric lui a dit : « maman, si Delphine te demande, je t’ai remboursé le démarreur, dis que je l’ai fait…Je pense qu’elle lui avait donné de l’argent et il l’a gardé. » Sur leur intimité, elle précise : « je savais qu’ils faisaient chambre à part – sur leur relation intime, je n’abordais pas ce sujet avec lui. »

« La géolocalisation, j’en prends l’entière responsabilité »

Les tensions conjugales et les soupçons alimentent les inquiétudes. Nadine rapporte une phrase de son fils qui l’a marque : « Je crois que Delphine me prend pour un con – Louis m’a dit qu’il avait fait une visio avec un copain de maman, et elle me dit que c’est son frère. » Il s’interrogeait aussi « pourquoi elle mettait Elyah à la crèche alors qu’elle ne travaillait pas » ; sa mère témoigne : « moi je m’inquiétais juste de l’état de Cédric, il était malheureux et triste. »

Nadine va aussi reconnaître son rôle dans un épisode de géolocalisation : « La géolocalisation, j’en prends l’entière responsabilité, c’est moi qui en ai parlé à mon fils – il voulait la géolocaliser, mais il n’y arrivait pas avec son portable, alors il a pris le mien car j’ai trouvé à ce moment-là une application. »

Elle assure avoir agi poussée par l’inquiétude maternelle et avoir tenté de réparer sa faute : « C’est mon cœur de maman qui a parlé – J’ai attendu un peu que la culpabilité me ronge pour envoyer un message d’excuse à Delphine le 27 octobre : « Coucou Delphine, je ne voulais pas te nuire, je t’aime trop pour ça mais je suis triste de voir Cédric triste, sache que je t’aime comme ma propre fille et que je suis là aussi si besoin ». »

« j’en ai marre, elle m’énerve, je vais la tuer, je vais l’enterrer et personne ne va la retrouver »

La peur et la colère de Cédric ont, selon sa mère, changé son comportement : « J’avais peur de sa réaction s’il découvrait qu’elle avait un amant, peur qui casse tout dans la maison – parcequ’il avait changé de comportement, il était beaucoup plus virulent, il ne parlait pas il criait. »

salle d’audience – cour d’assise du Tarn

Trois semaines avant la disparition de Delphine, Nadine rapporte une phrase glaçante prononcée par son fils alors qu’il mettait Elyah dans la voiture : « Il s’est tourné vers moi alors qu’il mettait Elyah dans sa voiture, et il m’a dit j’en ai marre, elle m’énerve, je vais la tuer, je vais l’enterrer et personne ne va la retrouver ». Elle confie son regret : « j’ai mis ça sur le compte de la colère, et je lui ai dit arrête de raconter des conneries – aujourd’hui je regrette de ne pas avoir donné plus de sens à ses mots. »

« Moi je suis là pour Louis et Elyah, je veux une vérité»

Aujourd’hui, Nadine Fabre affirme être présente pour les enfants : « Moi je suis là pour Louis et Elyah, je veux une vérité, rester droite devant mes petits enfants, dire que j’ai cherché, j’ai essayé de trouver une vérité. » Elle exprime aussi sa culpabilité et ses réserves sur ce qu’elle n’a pas fait : « Je culpabilise de ne pas avoir forcé à entrer dans cette relation, j’aurai pu avoir avec Delphine – je suis restée sur une seule version – et encore là je me suis interdite de ne pas aller la voir. »

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JEREMY FREROT

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