Ce mardi 30 septembre marque le sixième jour d’audience devant la Cour d’assises du Tarn, dans le cadre du procès de Cédric Jubillar, accusé du meurtre de son épouse, Delphine Jubillar, disparue en décembre 2020 à Cagnac-les-Mines. Une journée particulièrement dense, entre expertise scientifique et émotion familiale.
La matinée a été consacrée à l’audition d’une spécialiste en génétique, venue détailler les résultats des analyses menées sur plusieurs scellés essentiels à l’enquête : le plaid retrouvé dans la niche du chien, un pantalon de jogging couvert de traces blanches, le fameux sweat à motif panda porté par l’accusé, mais aussi une couette retrouvée dans le tambour de la machine à laver, les eaux d’évacuation de cette même machine ainsi que de la salle de bain, ou encore l’intérieur des véhicules du couple.

Les prélèvements ont révélé la présence de sperme, d’enzymes caractéristiques de la salive, et de micro-traces de sang. Toutefois, les résultats se sont avérés globalement décevants pour l’accusation. Aucune preuve génétique formelle ne permet, à ce stade, de lier directement Cédric Jubillar à la disparition de son épouse. L’experte précise : « Nous savons que certaines personnes laissent plus de traces que d’autres, en fonction du stress, de la température corporelle », ajoutant que « pour la couette et le flacon d’eau de lavage, aucun profil génétique exploitable n’a pu être mis en évidence ».
L’après-midi a laissé place à un moment particulièrement éprouvant : le témoignage de la fratrie de Delphine. Ses deux frères, Sébastien et Matthieu, ainsi que sa sœur Stéphanie, se sont avancés à la barre pour dresser le portrait d’une femme qu’ils décrivent comme profondément dévouée à ses enfants. « Une mère qui vivait pour ses enfants », a confié Matthieu, avant de souligner avec émotion : « Ses enfants, c’était sa vie ».
« C’est un menteur » : les mots tranchants de Stéphanie et Sébastien

Stéphanie, la sœur de Delphine, n’a pas hésité à qualifier l’accusé de manipulateur. « C’est un menteur », tranche-t-elle d’un ton ferme, appuyée dans ses propos par son frère Sébastien. Si elle n’a pas revu sa sœur depuis août 2020, lors d’une sortie familiale, les échanges téléphoniques entre elles étaient fréquents. Ce jour-là, elle note un changement physique frappant chez Delphine : « Elle avait perdu 13 kilos. Elle mesurait 1m67 pour 55 kilos ». Mais c’est surtout l’attitude de Cédric qui l’a marquée : « Il était distant, il n’était pas content d’être là. Mais ça ne m’a pas trop étonnée, car lorsqu’on se retrouvait, il était souvent énervé ».
Un autre détail la hante : le 16 décembre 2020, jour de la disparition de sa sœur, elle reçoit un appel anonyme. « Il ne s’est même pas présenté. Il voulait juste le numéro de téléphone de mon frère Sébastien », raconte-t-elle. Cédric Jubillar expliquera qu’il ne possédait pas le numéro de Sébastien. Il voulait lui annoncer la disparition de sa soeur – mais ne voulait pas se charger de cette tache avec Stéphanie, la soeur ainée de Delphine.
« Il faisait du théâtre »
Sébastien, justement, prend la suite. Dès le lendemain de la disparition, le comportement de Cédric le trouble profondément. « Il m’a appelé à 8h02. Il m’a laissé un message en criant : “Je sais que ta sœur est chez toi !” », se remémore-t-il. Avant de rappeler quelques instants plus tard avec un calme glacial : « Il faisait du théâtre. Je n’avais pas l’impression d’avoir quelqu’un de sincère en face de moi ».
Un frère plus mesuré mais lucide
Matthieu, le troisième membre de la fratrie, s’est montré plus mesuré, qualifiant Cédric d’homme « enflammé » là où Delphine était « plus calme ». Il admet avoir ressenti de la sympathie pour son beau-frère à une époque, mais n’en reste pas moins lucide sur les tensions qui régnaient dans le couple.
« Vous le punissiez à genoux sur des Lego, les mains derrière la tête »
Un moment clé de l’audience survient lorsque la violence de Cédric envers son fils Louis est abordée. La fratrie de Delphine s’accorde sur un point : la brutalité était bien présente dans le foyer. Maître Chmani, avocate des enfants, confronte Cédric Jubillar à ses méthodes éducatives : « Vous avez déclaré que, pour vous, les enfants doivent avoir peur de leurs parents. Vous avez à plusieurs reprises giflé Louis. Vous le punissiez à genoux sur des Lego, les mains derrière la tête, parfois pendant plus de 45 minutes. Vous en pensez quoi aujourd’hui ? »
L’accusé ne nie pas. « Oui, c’est vrai que je pense que les enfants doivent un peu avoir peur de leurs parents. Il faut qu’ils aient peur, sinon on se fait bouffer », rétorque-t-il, sans exprimer de véritable regret.
Un témoignage glaçant de Sébastien vient illustrer cette violence quotidienne : après une sortie au Festival des Lanternes, Louis aurait été violemment malmené en pleine rue. « Un passant a dû intervenir. Ils ont failli en venir aux mains », raconte-t-il.
Une fratrie unie face à l’absence et à l’accusé
Tous les témoignages convergent vers un même portrait : celui d’un homme instable, colérique, parfois violent, dont l’attitude dès les premières heures de la disparition de Delphine a semé le trouble. Entre les silences, les contradictions et les gestes violents, la fratrie de Delphine Jubillar tente de reconstruire l’histoire, celle d’une sœur aimante, disparue dans la nuit, et d’un époux qu’ils ne reconnaissent plus.
L’audience se poursuit ce mercredi 1er octobre, avec la suite des témoignages, notamment celui d’Anne Michelle Sirven, la meilleure amie de Delphine.