L’après-midi de ce premier jour d’audience a été consacré à l’examen de la personnalité de Cédric Jubillar, à la demande des juges d’instruction. À la barre, Gaëlle Carraux-Alfort, psychologue spécialisée en cliniques criminologiques et victimologiques a livré un portrait contrasté, marqué par une enfance instable et une trajectoire chaotique, mais aussi par des traits de caractère jugés ambivalents et préoccupants. Dès la première minute, et en préambule de ce récit, l’accusé Cédric Jubillar a réaffirmé « contester les faits qui lui sont reprochés ».
Une enfance cabossée

Né le 14 septembre 1987, Cédric Jubillar grandit dans un environnement familial instable. Sa mère, âgée de 15 ans lors de sa naissance, ne peut l’assumer. Placé dès l’âge de deux ans, il alterne entre familles d’accueil et séjours au foyer maternel. «Son enfance est marquée par des abandons et des rejets successifs », résume l’experte, évoquant aussi des soupçons d’attouchements par son beau-grand-père et des violences physiques infligées par son beau-père.

Adolescent, il se montre influençable, en quête d’affection et habité par une colère sourde. « Il en voulait à sa mère pour l’enfance qu’elle lui avait fait vivre », rappellera une de ses tantes. Ses années en famille d’accueil laissent l’image d’un garçon obéissant mais en difficulté scolaire, fugueur, consommant du cannabis dès 15 ans.
Un parcours professionnel fragile
Entré tôt dans la vie active, Cédric Jubillar suit une formation de peintre-tapissier avant de travailler dans le bâtiment. Embauché en CDI comme plaquiste, il devient ensuite auto-entrepreneur, mais peine à s’assurer des revenus stables. « Un gars vaillant, bavard, mais dépensier et mauvais gestionnaire », disent certains.
Décrit par son entourage comme à la fois « attentionné avec sa compagne » mais aussi « arrogant, impulsif et égocentré », Cédric Jubillar laisse derrière lui des relations empreintes de tensions. La sœur de Delphine dira que Delphine était « tombée amoureuse du bad boy en espérant qu’il change ». D’autres rappellent ses colères violentes lors de ses relations amoureuses d’adolescent, « notamment lorsqu’il était quitté. »
Un père violent, Louis victime silencieuse
À la barre, l’experte psycholoque évoque des témoignages, qui parlent de pratiques éducatives brutales. Louis, fils de Cédric et Delphine Jubillar, aurait subi des gifles, des tirages d’oreilles, des fessées, mais aussi des punitions plus violentes encore : « les mains sur la nuque, à genoux sur les Lego ». L’enfant aurait été mis à genoux, parfois longuement, sous le regard d’une mère qui, selon certains récits, ne réagissait pas.
Ces violences répétées interrogent sur la capacité de Cédric Jubillar à canaliser ses colères, notamment dans le cadre familial. L’avocat de Louis, Me Boguet, a rappelé devant la cour que ces comportements n’étaient pas isolés mais faisaient partie d’un mode de relation marqué par la dureté.

Pour l’experte psychologue, Cédric Jubillar présente une personnalité « ambivalente », marquée par un besoin de reconnaissance et une volonté de gommer son passé douloureux. « Ce n’est pas quelqu’un qui se plaint, ni quelqu’un qui dit ce qu’il a vécu », note-t-elle, tout en soulignant les « colères impressionnantes » et une tendance à la dissimulation. Les mots qui reviennent souvent sont « fourbe », « menteur », « double personnalité ».
Une consommation de cannabis précoce et persistante
Autre trait souligné par l’experte : la consommation de stupéfiants. Selon les témoignages recueillis, Cédric Jubillar fume du cannabis depuis l’âge de 15 ans, époque où il était placé en foyer. « Il transgressait les règles en consommant, on avait l’impression que rien ne le touchait », a rappelé une ancienne famille d’accueil.
Aujourd’hui encore, il reconnaît consommer quotidiennement, entre sept et huit joints par jour. Cette habitude, installée de longue date, interroge sur sa gestion émotionnelle et sa dépendance.Une défense qui insiste sur l’enfance brisée
Me Martin, avocat de la défense, a rappelé le parcours cabossé de son client : « familles d’accueil sur familles d’accueil, tabassé, humilié. Forcément, cela entraîne des conséquences sur la construction d’un individu ». L’experte concède que cet enfant blessé a pu nourrir de la colère, mais sans l’extérioriser directement.
Ainsi s’est dessinée, au fil de cette audience, l’image d’un homme aux multiples facettes : à la fois bosseur et bavard, mais aussi impulsif et colérique, forgé par une enfance instable et violente. Un portrait qui ne dit pas s’il est coupable, mais qui éclaire les fractures intimes d’un accusé jugé aujourd’hui pour le meurtre de sa femme disparue.