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70 brebis tuées, 29 disparues sur l’estive d’Arréou : face aux attaques d’ours, élus et acteurs du pastoralisme interpellent l’État.

L’ours ne craint plus ni les chiens de protection ni l’homme", explique Éric Fournié, éleveur et président de groupement pastoral, qui a vu 31 bêtes se faire dévorer en une semaine, dont 90 % en plein jour.
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L'essentiel

70 brebis tuées et 29 disparues depuis juillet sur l’estive d’Arréou

"Que l’État n’attende pas de marcher derrière un corbillard pour réagir", Christine Téqui présidente du conseil départemental de l'Ariège.

"Ils travaillent avec la peur au ventre", Martine Froger députée de la 1ère circonscription

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La tension ne cesse de croître dans les estives des Pyrénées Ariégeoises. Confrontés à « une recrudescence d’attaques d’ours » et dénonçant « un soutien jugé insuffisant de la part de l’État », les élus et les éleveurs ariégeois lancent un dernier cri d’alerte. Le Parlement Avenir Montagne 09, le conseil départemental de l’Ariège, la chambre d’agriculture 09 et la fédération pastorale ont décidé d’interpeller le gouvernement en adressant une lettre aux ministres de l’Intérieur, de l’Écologie et de l’Agriculture. Cette missive est également cosignée par la fédération des chasseurs de l’Ariège, le sénateur Jean-Jacques Michau, ainsi que les députés Martine Froger et Laurent Panifous.

70 brebis tuées et 29 disparues depuis juillet sur l’estive d’Arréou

Photo Stéphanie Leborne

Parmi les éleveurs durement touchés par la prédation figure l’estive d’Arréou, où la saison vire au cauchemar, pour les bergers et les éleveurs. Éric Fournier, président du groupement pastoral local, profondément affecté, rapporte avoir déjà perdu 99 brebis depuis juillet dernier.

« On sert de cobaye depuis 17 ans », dénonce Éric Fournier président du groupement pastoral local, qui se veut catégorique , « L’ours ne craint plus ni les chiens de protection ni l’homme : « Actuellement sur notre estive, on vit une période qui est totalement exceptionnelle, on a un nombre de prédations phénoménal. Nous avons actuellement 70 bêtes qui ont été prédatées par l’ours, nous avons 29 bêtes manquantes, et tout ça en moins d’un mois d’estive. Habituellement, ces chiffres là, on ne les atteints même pas à la fin de l’estive ».

En une semaine seulement l’éleveur a vu 31 bêtes se faire dévorer, dont 90 % en plein jour :

 » Il y a eu des jours, ou en plein jour, nous avons eu six brebis tuées et consommées, ce qui n’est jamais arrivé ailleurs dans une autre estive – que je sache- des jours ou nous avons vu cinq ours en plein jour sur l’estive, mon berger est rentré en contact cinq fois avec des ours, deux fois à 30 mètres, il n’est pas armé ,il n ‘a rien, et bien entendu il a peur. »

Éric Fournié rappelle avoir alerté la préfecture dès l’an dernier sur la recrudescence des attaques diurnes, de plus en plus proches des hommes. Les moyens de protection restent dérisoires : « Le berger n’a qu’une bombe au poivre qui porte à cinq mètres, et encore, avec le vent dans le dos… », reprend l’éleveur. La peur s’installe durablement chez les bergers. Et le soutien des institutions, est largement insuffisant, selon Éric Fournié.

« Les services de l’État sont défaillants. Je vise clairement l’OFB * et la brigade d’effarouchement, qui profite de la moindre faille, du moindre doute pour ne pas faire son travail. Ce matin encore, j’ai constaté leur inaction et j’ai immédiatement alerté les autorités. »

« Que l’État n’attende pas de marcher derrière un corbillard pour réagir », Christine Téqui présidente du conseil départemental de l’Ariège.

Photo Stéphanie Leborne

C’est donc un véritable cri d’alarme que lance aujourd’hui l’ensemble de la profession. Selon eux la situation devient critique, avec une densité d’ours atteignant dans certains secteurs des niveaux jamais observés jusqu’à présent. Face à cette pression prédatrice croissante, les élus locaux se montrent unanimes : le protocole mis en place par l’État depuis 2019, fondé sur des mesures de protection dites passives, s’avère à la fois inefficace sur le terrain et extrêmement coûteux pour les finances publiques.

Les professionnels de l’élevage dénoncent l’inefficacité de ces dispositifs, régulièrement contournés par les prédateurs. Ils réclament aujourd’hui des réponses claires et des engagements concrets de la part de l’État.

Parmi les demandes formulées, les signataires exigent – une transparence totale sur le suivi des populations d’ours, – une identification individuelle des animaux et leur localisation géographique, – l’analyse systématique des prélèvements génétiques réalisés par les agents de l’OFB*, – un accès libre et actualisé à la base de données permettant de suivre les déplacements des individus, – la mise en place d’une grille de corrélation entre la présence des ours et leur niveau de dangerosité.

« On va avoir un drame. Ce courrier est aussi adressé au ministre de l’intérieur, pour des questions de sécurité des personnes, puisque compte tenus des éléments, cette question doit être saisie par ce ministère, insiste Christine Téqui. Il est urgent que l’État écoute et mette en place des solutions concrètes. C’est la sécurité des hommes qui est en jeu, qu’on veuille l’entendre ou non. Moi, je lance un appel simple : que l’État n’attende pas de marcher derrière un corbillard pour réagir. Ce sera trop tard », alerte Christine Téqui, présidente du conseil départemental.

Vers la création d’un territoire expérimental sur l’estive d’Arréou

Dans ce courrier, les élus proposent également la création d’un territoire d’expérimentation sur l’estive d’Arréou. L’objectif ? Permettre aux bergers de pratiquer un effarouchement renforcé des ours, une mesure qu’ils jugent nécessaire pour protéger les troupeaux et assurer la sécurité des hommes.

« On est sur une estive qui depuis 15 ans a respecté tout ce que l’État a demandé, vraiment de A à Z, aujourd’hui il y a 4 bergers, dont un de nuit, des moyens de protection, il y a des patous, et malgré ça, fait nouveau, on a des ours qui attaquent en plein jour. »

Face à cette situation qu’il qualifie d’intenable, Philippe Lacube appelle à l’instauration d’un nouveau protocole, plus clair et plus opérationnel calqué sur le modèle Italien. « Le protocole actuel dit ‘ours à problème’ est aujourd’hui totalement dépassé. Il a été déclenché à deux ou trois reprises, sans jamais aboutir. À l’inverse, en Italie, nos homologues confrontés aux mêmes difficultés disposent d’un dispositif beaucoup plus efficace, qu’ils appliquent régulièrement avec succès. Nous proposons donc la mise en place d’une échelle d’évaluation de la dangerosité, directement inspirée du modèle italien. Et qu’on ne vienne pas nous dire que l’Europe s’y oppose : en Italie, ce protocole est validé par l’Union européenne, et permet chaque année le retrait effectif d’ours du territoire. Si cela est possible là-bas, cela doit l’être ici aussi. Il y a aujourd’hui un véritable péril, et il est urgent d’agir. »

« Ils travaillent avec la peur au ventre », Martine Froger députée de la 1ère circonscription

En visite sur l’estive d’Arréou, la députée Martine Froger tire la sonnette d’alarme : « Nous sommes allés sur l’Estive d’Arréou, nous avons échangé avec les bergers, ils travaillent avec la peur au ventre, ils sont dans un niveau de détresse incroyable, je ne comprends pas ce silence que nous renvoie l’État à chaque fois ».

« Ici, on est loin de Paris et les montagnes Ariégeoises sont oubliées », Jean Jacques Michau sénateur de l’Ariège

Un sentiment d’abandon partagé par le sénateur Jean-Jacques Michau, qui déplore le manque de reconnaissance nationale face à la situation ariégeoise :  » En France on parle tout le temps du loup parce qu’il y en a dans beaucoup plus d’endroit, ici, on est loin de Paris et les montagnes Ariégeoises sont oubliées, et on n’arrive pas à faire remonter cette problématique là au delà des cercles déjà convaincus. Il faut que cette problématique soit aujourd’hui prise en compte ».

*l’Office français de la biodiversité

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