Discret mais observateur, le pas assuré et le sourire généreux, Maurice Sicre, 83 ans (et demi !), nous accueille dans son bureau à la mairie d’Axiat, un petit village de haute Ariège perché à 900 mètres d’altitude. Des archives centenaires aux projets en cours, il maitrise les sujets sur le bout des doigts, et pour cause : il est le maire de la commune depuis 60 ans. Un record sur le territoire qui fait de lui le doyen du mandat municipal ininterrompu en Ariège, et qui le place dans le top 5 au niveau national.
« J’étais loin de me douter, que 60 ans après j’y serai encore. »
L’aventure du maire d’Axiat commence en 1965, « sur un malentendu », dira Maurice Sicre. Alors âgé de 23 ans, il remplace au pied levé son beau père sur une liste municipale, et se fera à sa grande surprise, désigner pour le rôle de maire lors d’un tour de table : « La maire sortante ne voulait pas se représenter, et mon beau père qui était conseiller me demande alors de le remplacer sur la liste. Ce que j’ai fait. On vote, puis on revient le dimanche suivant pour l’élection du maire, et à l’annonce de cette phrase « les candidats veuillez vous annoncer » : pas de candidats ! Celui qui était préposé au poste a finalement fait marche arrière », se souvient l’élu. Une situation inattendue pour l’assemblée, et pour le jeune Maurice, qui attend patiemment le dénouement de l’affaire. « Un tour de table se fait pour connaitre les intéressés, je dis non, puis un autre tour en vain, et au 3ème tour, on me dit à ma grande surprise et sans vraiment me demander mon avis, c’est toi le plus jeune, alors ça sera toi. J’avais 23 ans, et j’étais loin de me douter, que 60 ans après j’y serai encore ». Maurice Sicre sera élu maire le 21 mars 1965 et le restera jusqu’à aujourd’hui.
Maire : un rôle central, une polyvalence permanente
L’élu effectuera dix mandats, sans véritable opposition. Il célèbrera l’union d’une vingtaine de couples, accueillera une unique naissance dans le village, et accompagnera plusieurs de ses administrés jusqu’à leur dernière demeure : « J’ai même transporté leur cercueil dans ma voiture jusqu’au cimetière », raconte-t-il. « À l’époque, il n’y avait pas de pompes funèbres. Le maire faisait un peu tout. J’ai arrêté quand Alcaniz -les pompes funèbres d’Ax-les-Thermes- s’est installé. ». Croque-mort, docteur, médiateur, maçon, durant 60 années, Maurice Sicre aura endossé tous les rôles, souvent dans l’ombre, dans les bons comme les mauvais jours.
« Il faut être à l’écoute des gens »
Si en 1965, 71 habitants faisaient vivre le village, aujourd’hui, ils se font plus rares : « La commune comptait plus de 300 habitants en 1848, nous avions même une épicerie qui faisait bureau de tabac – celle de la famille Labadie. Aujourd’hui le village compte 28 habitants ». Ancien maçon, Maurice Sicre a durant tout ce temps conjugué vie professionnelle, ses missions d’élu et sa vie de famille. Une famille qu’il évoque avec une grande émotion à l’évocation de ses deux garçons et de son épouse, aujourd’hui disparue. Pour cet octogénaire, l’aventure a été passionnante, mais a nécessité beaucoup de sacrifices. « Si j’ai un conseil à donner à un jeune qui souhaite se présenter ? Se mettre à la portée des gens, ne pas être autoritaire, et surtout, savoir écouter, c’est une grande qualité. Le plus difficile dans la fonction ? C’est de devoir laisser sa famille pour assurer toutes les réunions et obligations que le poste impose. ». À 83 ans passés, Maurice Sicre n’envisage toujours pas de raccrocher l’écharpe tricolore. Il a annoncé sa candidature pour les municipales de 2026. Et s’il est réélu, il compte relancer, avec l’aide précieuse de sa secrétaire Emmanuelle, une fête de village au printemps prochain.