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Interview. Martine Froger, députée de l’Ariège : « La ruralité, c’est bien loin des préoccupations de la plupart des députés ».

L'intégralité de l'interview de Martine Froger (députée LIOT de l'Ariège) sur Pyrénées FM, le 5 juin 2025.
Interview. Martine Froger, députée de l’Ariège : « La ruralité, c’est bien loin des préoccupations de la plupart des députés »
©Pyrénées FM

À l’occasion des 20 ans de Pyrénées FM, la rédaction a installé ses micros à Tarascon-sur-Ariège pour une série d’interviews en direct. Le 5 juin 2025, la députée Martine Froger (groupe Liot) a répondu à nos questions sur son positionnement politique, le fonctionnement de l’Assemblée nationale, et les sujets qui traversent l’Ariège.

Pyrénées FM : Martine Froger, vous êtes députée de la première circonscription de l’Ariège, réélue l’an dernier suite à la décision du Président de la République de dissoudre l’Assemblée nationale. Vous siégez aujourd’hui au sein du groupe Liot, après une rupture assez claire avec la direction du Parti socialiste. Pourtant, en 2023, vous aviez quand même pris part au 80ᵉ congrès du PS. Alors, pour ceux qui ne le savent pas, les congrès, c’est ce qui permet de décider de l’avenir, de l’horizon du parti. Et cette année, on vient d’entamer, il y a quelques jours, le 81ᵉ congrès. Alors, est-ce que vous y avez participé ? Et plus largement, comment vous vous situez aujourd’hui par rapport au Parti socialiste ?

Martine Froger : Alors oui, bien sûr, je participe activement au 81ᵉ congrès du Parti socialiste, surtout en soutenant la ligne de Nicolas Mayer-Rossignol, puisque j’ai toujours été opposée à la ligne d’Olivier Faure, qui a créé la NUPES et conclu des accords notamment avec LFI. Alors, je ne généralise pas : quand je parle de LFI, je parle surtout de la ligne Mélenchon, avec laquelle j’ai beaucoup trop de divergences, et avec laquelle je ne souhaite pas travailler.

Pyrénées FM : C’est la raison pour laquelle vous aviez rejoint le groupe Liot ?

Martine Froger : J’ai rejoint le groupe Liot parce que, d’abord, n’ayant pas adhéré à la NUPES lors de la première élection, j’ai été suspendue de mon parti, de ma famille politique, alors que je suis socialiste depuis plus de trente ans. Mais j’ai été suspendue parce que je n’ai pas obéi aux ordres…

Pyrénées FM : Vous disiez, l’an dernier, dans une interview à Oxygène FM, que cette assemblée post-dissolution fonctionnait finalement plutôt bien, à votre propre étonnement. Un discours à contre-courant de ce qu’on entendait à ce moment-là. Neuf mois plus tard, est-ce que vous tenez toujours ce constat ? Est-ce que l’Assemblée fonctionne bien ?

Martine Froger : Non, l’Assemblée ne fonctionne pas bien. Je devais être passée à cette radio très peu après les élections, donc les choses étaient encore relativement calmes. Mais non, aujourd’hui, ça ne fonctionne pas bien, parce qu’il n’y a pas de débat parlementaire. Le débat est parasité, soit par le dépôt massif d’amendements qui empêchent d’aller au bout de la discussion, soit par l’obstruction du gouvernement — comme on l’a vu cette semaine avec la loi Duplon. C’est un sénateur LR qui propose une loi. Les écolos et LFI déposent 3 500 amendements, et c’est un député LR qui dépose une motion de rejet. Vous voyez un peu l’absurdité. Donc moi, je me suis abstenue, parce qu’il n’était pas question que je vote ça.

Et c’est pareil pour l’A69. Je ne suis pas contre l’A69, ce n’est pas ça le débat. Mais là encore, c’est un député LR qui défend la proposition de loi pour ouvrir les travaux. Trop d’amendements sont déposés, donc le même député LR propose une motion de rejet, et fait voter son groupe — le groupe CEPR, le bloc central — pour cette motion. Résultat : la motion est adoptée à l’unanimité, on part en CMP, donc on évite le débat parlementaire. Or, si je suis élue, c’est justement pour débattre, porter nos idées, nos valeurs. Et là, on n’en a pas la possibilité.

Pyrénées FM : Raison pour laquelle vous vous êtes abstenue. Mais ça vous a été reproché ces derniers jours par la Confédération paysanne de l’Ariège, via la parole de David Eychenne. Est-ce que vous souhaitez lui répondre ?

Martine Froger : Oui. Ce que je peux répondre à David Eychenne, c’est que je me suis abstenue sur la motion de rejet. Pour l’instant, on n’a pas encore voté sur la loi Duplon, puisqu’elle part en CMP. Ensuite, on votera sur le texte. Mais moi, je me suis abstenue sur la motion de rejet parce que, vu comment les choses se passent, je ne cautionne pas. Je défends le débat parlementaire, et là, il n’a pas eu lieu. Je ne suis pas entièrement d’accord avec la loi Duplon, même loin de là. Mais on aurait pu porter des amendements pour la modérer. Or, on n’a même pas pu les présenter.

Pyrénées FM : Concrètement, comment vous faites peser les préoccupations du monde rural à l’Assemblée nationale ? Comment on se fait entendre dans cet hémicycle qui, en plus d’être bruyant, suit un agenda où la ruralité n’est pas toujours prioritaire ?

Martine Froger : La ruralité, c’est bien loin des préoccupations de la plupart des députés. Il y a une réalité simple : 20 % des députés représentent 80 % du territoire — c’est-à-dire le monde rural. Et on n’est pas nombreux. Moi, j’ai 189 communes, de montagne en plus. Donc, c’est très complexe d’être partout. Je ne peux pas. Ce qui m’aide, c’est d’être présente sur le terrain. J’écoute, je participe à beaucoup de rencontres, je discute avec les élus, les habitants, les agriculteurs, les entreprises… Et ça me permet de porter leur voix à l’Assemblée.

Et puis à Paris, il faut être présent, s’exprimer, travailler en commission — parce que ce n’est pas dans l’hémicycle que tout se joue. On fait énormément en commission. Moi, je suis à la commission des lois. Et dès qu’une loi touche à la ruralité, je prends la parole. Et la ruralité, c’est transversal : désertification médicale, développement économique… Moi, je mets toujours la ruralité au centre. Et je ne pourrais pas être députée dans une circonscription urbaine, où certains députés ne connaissent pas leurs électeurs. Moi, j’ai besoin de ce lien.

Pyrénées FM : En coulisses, qu’est-ce qui se passe concrètement ?

Martine Froger : Il se passe de très bonnes choses ! Je travaille dans la prestigieuse commission des lois, que j’aime beaucoup. Je suis placée à côté des écologistes, du groupe Éco-socialiste, et je travaille très bien avec eux. En commission, on a vraiment des échanges constructifs : on défend des textes, on porte des amendements, on fait avancer nos idées. On arrive à s’entendre.

Après, dans l’hémicycle, c’est autre chose. C’est là que les groupes s’opposent. Bon, moi je vote à plus de 90 % comme les socialistes. J’ai beaucoup moins d’accords avec la droite républicaine ou le bloc central. Je suis une femme de gauche et je le reste. Mais en dehors de l’hémicycle — qui est censé être le pilier de la démocratie — on arrive à travailler. C’est dommage qu’on donne une si mauvaise image, parce que dans les coulisses, ce n’est pas du tout ça. On bosse vraiment ensemble.

Pyrénées FM : C’est du cinéma, ce que vous êtes en train de dire ?

Martine Froger : Pour beaucoup, oui. Ce sont des moments filmés, des postures… on joue un peu la comédie devant les citoyens. Et moi, ça ne me plaît pas. Je n’aime pas l’image que ça renvoie du tout.

Pyrénées FM : Une dernière question sur les agriculteurs, un sujet qui vous tient à cœur et qui nous tient à cœur aussi sur Pyrénées FM. Sur la FCO, la fièvre catarrhale ovine : il y a quelques semaines, la préfecture de l’Ariège a incité les éleveurs à commander des doses de vaccin sur le marché privé, sans attendre celles prises en charge par l’État. Quel regard vous portez sur cette gestion, un an après les difficultés qu’on a connues ?

Martine Froger : Sur la FCO, pour moi, la priorité, c’est d’abord la recherche scientifique. Il faut qu’elle soit renforcée pour éviter ces épidémies à répétition, qui reviennent chaque année décimer les troupeaux.

Pyrénées FM : Et on en est où ? Vous disiez déjà vouloir plus de moyens pour la recherche…

Martine Froger : Ça n’avance pas. La dernière fois que j’ai interpellé la ministre de l’Agriculture (Annie Genevard, ndlr.), elle m’a répondu : « Vous avez empêché le vote du budget. » Bon… On ne peut pas tout voter non plus. Tant qu’il n’y a pas de budget, on n’avance pas. Et comme le budget a été voté très tard, forcément, les choses sont en retard. Il y a quinze jours, un éleveur m’a interpellée : il n’arrivait pas à se procurer les vaccins chez son vétérinaire. J’ai aussitôt contacté la ministre, qui m’a répondu que ce n’était pas vrai. Et finalement, l’éleveur m’a rappelée : le vaccin est arrivé cette semaine. Tant mieux. Mais il y avait aussi 74 millions d’aides promis aux agriculteurs, qui ne sont toujours pas versés. Et ça, je le déplore.

Alors certains pensent qu’ils ne peuvent pas compter sur moi… Mais moi, je défends tous les éleveurs, tous ceux de l’Ariège. J’interpelle très souvent la ministre. Elle me connaît bien maintenant ! Et je lui demande de venir à leur rencontre. Elle est allée deux fois dans le Tarn, jamais en Ariège. Je la sollicite à chaque fois, mais elle ne vient pas. J’aimerais qu’elle vienne écouter les éleveurs directement, et surtout qu’elle accélère les remboursements. Cet argent est dû à nos agriculteurs.

Interview menée par Melvin Gardet.

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