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Atemax face à la crise : « Nous sommes dans les délais » se défend le service d’équarrissage des Pyrénées après les critiques sur sa gestion de la fièvre catarrhale ovine (FCO 8)

today1 octobre 2024 à 5h59

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INTERVIEW. L’entreprise privée Atemax, chargée de la collecte et de la valorisation des cadavres d’animaux d’élevage dans une soixantaine de départements de l’Hexagone, raconte comment ses services ont affronté l’épizootie de fièvre catarrhale ovine (FCO 8) dans les départements des Pyrénées. Une crise historique qu’elle dit avoir réussi à surmonter, malgré quelques ratés qu’elle justifie.

 

Crédits : Olivier Guerrin / Atemax

Ils ne peuvent (littéralement) pas s’en passer. Dans les Pyrénées, Atemax est incontournable des éleveurs de ruminants (ovins, bovins, caprins). Ces derniers ont effectivement l’obligation de faire appel à elle pour la collecte des cadavres de leurs troupeaux. C’est un peu l’équivalent des pompes funéraires, mais avec moins d’éclat puisque les dépouilles de ces animaux sont transformées en graisses et en farines animales, elles-mêmes utilisées pour la fabrication de biocarburants et d’autres énergies.

Il est donc clair que la société opère une activité dont la communication est aussi encadrée que risquée. Les vidéos de cadavres d’animaux suspendus par une grue et placés dans une benne peuvent effectivement ternir l’image de toute une profession, mais elles sont pourtant le reflet d’une réalité : celle d’un service indispensable, tant pour des questions morales que sanitaires. Appréciée des éleveurs pyrénéens que nous avons rencontrés pour son coût jugé faible et pour la sympathie de ses agents, Atemax est depuis cet été critiquée par une partie des professionnels de l’élevage pour la qualité de ses services au cours de la pandémie du sérotype 8 de la fièvre catarrhale ovine. Sophie Grégoire, directrice de la communication d’Atemax, a répondu aux questions de Pyrénées FM.


 

Crédits : Olivier Guerrin / Atemax

Pyrénées FM : Quel retour faites-vous de cette crise de la FCO dans l’Hexagone, qu’il s’agisse du sérotype 8 qui touche les Pyrénées ou du sérotype 3 qui concerne la moitié nord du pays ?

Sophie Grégoire, Atemax : Notre métier est une sorte de baromètre de la mortalité, et ce n’est qu’à partir du mois de juin-juillet, surtout fin juillet, de manière très progressive, que nous avons vu augmenter de manière significative les demandes d’enlèvement sur toutes les populations d’espèces, qu’il s’agisse des ruminants, mais aussi des porcs et des volailles. Nous n’avons pas tout de suite identifié la cause précise de cette hausse de la mortalité, qui pouvait être (et qui est de toute façon) multifactorielle. La mortalité est due à des pics de chaleur, à des yoyos de températures qui montent, qui descendent, surtout dans la partie nord-est et ouest de la France, mais aussi dans le sud-ouest avec des taux d’humidité très forts. Et puis, nous avons appris petit à petit, avec le temps, qu’il y avait aussi ce problème de la fièvre catarrhale ovine.

En regardant nos statistiques, nous avons effectivement constaté que les demandes d’enlèvement de ruminants, voire de petits animaux ovins, avaient explosé à partir de la dernière semaine de juillet. Mais ce n’est pas une information que nous détenions au moment où nous avons fait les enlèvements. C’est une analyse a posteriori qui nous permet de dire que l’équarrissage peut repérer des signaux de mortalité dans les élevages par le nombre des demandes d’enlèvement, qui, objectivement, et les chiffres le prouvent maintenant qu’on les regarde avec détail, ont explosé.

Quelle est l’ampleur de cette crise dans l’Aude, les Pyrénées-Orientales, l’Ariège et la Haute-Garonne ?

Nous avons vu depuis le 10 juin une augmentation des demandes d’enlèvement sur les catégories des petits ruminants. Encore sur le mois de juin, ça n’était pas très sensible : on est à un petit peu plus de 8 % d’augmentation du nombre des demandes sur ces quatre départements. Mais dès le mois de juillet, on note une augmentation beaucoup plus sensible, à deux chiffres, puisqu’elle est de 65 %. Et alors, au mois d’août, on peut qualifier ça d’explosion puisqu’on passe à trois chiffres.

Nous avons une augmentation de 179 % des demandes d’enlèvement de petits ruminants. C’est un chiffre extraordinairement élevé et dont nous n’avons, bien entendu, pas l’habitude.

Les augmentations en volume sont différentes, notamment sur le mois d’août, où nous avons moins d’augmentation en volume, ce qui veut dire que nous avons collecté plus de petits animaux. Donc cette maladie a l’air de toucher des animaux de plus en plus jeunes. C’est une interprétation statistique qui doit être corroborée par les informations que transmettent les éleveurs. En tout cas, nous remarquons que le nombre des demandes augmente plus fortement que les volumes. C’est le cas sur la semaine 33 par exemple.

Que représente cette crise dans l’histoire d’Atemax ? Est-ce que c’est du jamais vu ?

Je suis chez Atemax depuis 17 ans, et en ce qui me concerne, c’est totalement inédit. Je n’ai jamais vu ça depuis 17 ans, et mes collègues non plus. S’il fallait rapprocher cet épisode d’un épisode déjà vécu, on se reporterait à 2003, c’est-à-dire il y a 21 ans, avec la grande vague de chaleur qui a eu des répercussions dramatiques sur la population. Mais la mortalité animale avait été tout à fait corrélée et exponentielle à ce moment-là. […] La particularité de cet épisode de 2024, c’est qu’il dure et qu’il a une inertie énorme au niveau des usines d’équarrissage, parce que nous n’avons pas réussi à absorber le premier choc de la semaine 31, qui a été un choc avec des augmentations à deux chiffres, voire à trois chiffres, des demandes d’enlèvement. Les répercussions de cette dernière semaine de juillet se font encore sentir aujourd’hui, première semaine de septembre. Donc, sa particularité, c’est sa longueur et sa brutalité instantanée.

Pendant la crise, des éleveurs ont rencontré des problèmes lors des tournées de ramassage. Ceux qui se trouvaient en fin de tournée font état de camions-bennes qui arrivaient déjà plein, et d’agents qui refusaient donc de prendre l’intégralité des cadavres. D’autres fois, des éleveurs sont tout simplement retirés de la tournée. Comment l’expliquer ?

 

Crédits : Olivier Guerrin / Atemax

C’est une problématique réelle et c’est quasiment un cas de conscience pour les agents de collecte d’Atemax. C’est un des effets boule de neige de l’augmentation brutale et exponentielle de la mortalité animale. Nous avons une logique de file d’attente dans nos tournées, c’est-à-dire que nous prenons en compte les demandes d’enlèvement au fur et à mesure qu’elles arrivent dans nos bases, déclarées par les éleveurs. C’est vraiment un cas de figure qui arrive en période de mortalité exponentielle.

Prenons cet exemple : un éleveur aura déclaré un animal, il nous le met à disposition, et finalement lorsque le chauffeur arrive sur l’exploitation, il y en a deux, il y en a trois, il y en a quatre, il y en a plus. […] Mettons-nous à la place de l’agent de collecte qui arrive chez cet éleveur : pourrait-il lui dire « Ah non, vous avez déclaré le numéro 1, moi le 2, le 3, le 4, je ne le prends pas » ? Bien sûr que non, il va les prendre. […] ll peut donc arriver qu’en fin de tournée, le camion soit plein et qu’il y ait encore des animaux à collecter, bien qu’ils aient été déclarés et que nous ayons annoncé notre passage. […] Dès le soir, on a une information relative aux animaux qu’on n’a pas pu collecter, le cas échéant. […] Nous re-programmons immédiatement, pour le lendemain, la collecte des animaux qui n’ont pas pu être enlevés.

Je comprends parfaitement la frustration de nos clients éleveurs qui se trouvent en bout de chaîne et exclus d’une tournée alors qu’ils avaient été programmés. C’est quelque chose qui est une conséquence globale que ni vous, ni nos agents de collecte, ni nos clients ne peuvent maîtriser en période de surmortalité.

Les éleveurs ovins font aussi état de cadences considérées insuffisantes pour l’enlèvement des cadavres, avec des délais qui vont de 3 à 5 jours. C’est trop d’après eux quand les cadavres sont en décomposition en plein été. Quels ont été vos efforts en la matière ?

Le Code rural et les marchés qui ont été négociés avec nos clients, les associations pour les animaux trouvés morts (ATM), indiquent que le délai de collecte d’un animal trouvé mort, à partir du moment où il est déclaré par l’éleveur, c’est-à-dire à partir du moment où il rentre dans la base de données de l’équarrisseur, je parle aussi bien d’Atemax que de ses confrères, est de 2 jours francs. Et là, c’est le premier point d’explication nécessaire sur la notion de 2 jours francs. En aucun cas on ne parle de 48 heures.

Le petit adjectif qui a été ajouté à « franc » et que le Code rural a assorti de conditions assez particulières (dont je vais vous parler avec précision, et j’espère avec le plus de clarté possible), fait que, dans les cas les plus extrêmes, entre le moment où l’éleveur aura déclaré son animal et le moment où nous passerons pour le collecter, il peut s’écouler, dans les cas extrêmes, 3 à 5 jours. Je ne parle pas de moyenne, je parle de cas extrêmes, qui en cas de jour férié peuvent même atteindre 6 jours, sans que pour autant nous soyons hors délai.

 

Crédits : site internet d’Atemax

Car que dit la réglementation ? Si la demande a lieu avant 18h, elle sera considérée comme enregistrée le jour J. Prenons ce cas de figure : la demande est déclarée à 16h un vendredi. 2 jours francs, ça veut dire hors week-end et jours fériés. Nous sommes vendredi, il est 16h, vous faites une déclaration, elle rentre dans nos bases, nous la prenons en compte comme telle le vendredi. Nous la traitons à partir du lundi matin, et nous avons 2 jours pour collecter, donc jusqu’à mardi soir. C’est-à-dire qu’un éleveur qui aura déclaré son animal le vendredi après-midi peut attendre jusqu’au mardi, et nous sommes dans les délais.

Cette réglementation pose tout de même question. Est-ce qu’on peut se satisfaire que des cadavres restent en décomposition pendant cinq jours, parfois à une dizaine de mètres des bergeries ?

Je comprends tout à fait que ça puisse poser question, d’autant plus que je vous ai parlé d’un cas de figure où le lundi n’était pas férié. Et si le lundi est férié, ça repousse encore d’un jour, et si la demande a été faite après 18h le vendredi, ça repousse encore d’un jour. Donc, nous sommes parfaitement conscients de cette problématique. D’ailleurs, nous faisons régulièrement des enquêtes auprès de nos clients. C’est une thématique qui remonte régulièrement : la rapidité des enlèvements. En période classique, avec un flux habituel de demandes d’enlèvement, les deux tiers de nos enlèvements sont réalisés en un jour franc. Je ne dis pas 24 heures, je dis un jour franc. Donc, déjà, nous avons mis en œuvre des tournées et des optimisations pour répondre à ce besoin que l’on connaît parfaitement, d’accélération et de rapidité.

Comment réduire ce délai ?

C’est une réflexion de filière, c’est une réflexion qui ne concerne pas que les équarrisseurs. Parce que pour collecter en moins de 2 jours francs, vous devez mettre à disposition un certain nombre de moyens. Ce que l’on appelle une optimisation. Optimiser, c’est-à-dire rentabiliser au mieux les moyens qu’on met sur la route, le temps de travail de nos collaborateurs et le temps de roulage de nos véhicules. Si la réglementation nous imposait — c’est un cas de figure hypothétique — parce que les éleveurs le demandent et souhaitent que ce soit ainsi, de collecter en 24 heures, et il y a eu des époques où c’était le cas, le tarif ne pourrait pas être le même.

Nous sommes là sur un curseur économique : où est la capacité de l’ensemble de la filière à s’organiser pour raccourcir les délais tout en assurant la rentabilité d’un service privé ?

Cela doit, j’imagine, faire l’objet d’une discussion de filière. Les marchés de l’équarrissage sont passés pour 3 ans avec les filières, et nous sommes en re-négociation (de septembre à décembre, ndlr.) puisque le marché actuel se termine fin 2024. Ce qu’il faut comprendre, c’est que nous recevons un cahier des charges de la part de nos clients, et nous répondons à ce cahier des charges. Donc, quel que soit le cahier des charges, on fait en sorte d’y répondre. Aujourd’hui, je ne peux pas vous dire que le sujet de la remise en question du délai des 2 jours francs est sur la table. […] Nous en discutons ouvertement, mais dans cette crise, il y a beaucoup de sujets qui doivent être discutés à la fois en amont avec les filières d’élevage et, en parallèle, avec les services de l’État. Parce que c’est un triangle, en fait : les équarrisseurs, les filières d’élevage et l’État, pour les problématiques de sécurité sanitaire et de santé publique.

Justement, quelle est la responsabilité de l’Etat dans ce triangle ? Comment peut-il jouer un rôle dans ces discussions ?

L’État, on le sait tous, fixe les règles. Les acteurs sont supposés les respecter. Quand ils se retrouvent dans une situation, comme c’est le cas actuellement, où nous ne pouvons plus respecter les règles, c’est-à-dire où […] il arrive qu’il y ait des saturations. Ce fut le cas récemment, au mois d’août 2024, dans les départements de l’ouest et du nord-est de la France. Les opérateurs, pour des raisons qui leur sont totalement externes et sur lesquelles ils n’ont aucune maîtrise — la météo, l’augmentation de la mortalité suite à des maladies — se retrouvent dans une situation où ils ne peuvent pas respecter les délais d’enlèvement parce que les usines sont saturées et qu’il y a des surstocks.

Là où nous attendons l’aide de l’État, c’est pour nous aider à trouver des solutions alternatives, qui sont forcément dérogatoires.

Donc, nous attendons de l’État qu’il donne le plus rapidement possible les dérogations nécessaires pour permettre, premièrement, d’élargir les horaires de travail de nos équipes, qui n’ont pas ménagé leurs efforts, qui ont travaillé dans les usines les samedis jusqu’aux dimanches ; et puis qu’il nous aide à trouver des solutions alternatives au traitement que l’on a l’habitude de faire, qui est un traitement thermique, pour pouvoir soit stocker momentanément des matières en attendant qu’elles puissent être traitées, soit les adresser à d’autres opérateurs dans les filières d’équarrissage ou dans des sites d’enfouissement industriels parfaitement encadrés pour garantir la sécurité sanitaire.

Ce que l’on attend de l’État, c’est d’accepter la dérogation à une règle qu’il a fixée et à laquelle les opérateurs ne peuvent plus se conformer, mais pour des raisons qui ne sont pas de leur responsabilité. La météo, ce n’est pas la responsabilité des équarrisseurs ; la FCO, ce n’est pas la responsabilité des équarrisseurs. C’est à ce niveau-là qu’on a besoin d’être soutenus pour pouvoir sortir d’une situation qui nous met en difficulté face à nos clients éleveurs et aux délais d’enlèvement.

Écrit par: Melvin Gardet

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