À la une

Ariège : après 42 ans d’emploi saisonnier un trieur de talc tire sa révérence

today3 novembre 2023 à 9h05 1

share close
Son paysage est lunaire, sa clarté presque irréelle, le grondement d’engins surdimensionnés fend son silence feutré : la carrière de talc de Trimouns située à 1 800 m d’altitude dévoile ses trésors depuis 1905 aux quelques intrépides qui arrivent à la manier.
Une véritable relation de confiance que Mohamed Abouti, saisonnier depuis 42 ans, a partagé avec la plus grande carrière de talc du monde située à 15 km de Luzenac. « Il y a plusieurs communautés de travailleurs au talc, il y a bien sûr les Ariégeois, beaucoup de Portugais, et il y a eu historiquement beaucoup de Marocains, explique Jean-Pierre Papin responsable de la communication du site. Ce sont vraiment des gens qui constituent une famille, des gens qui font partie de l’histoire du talc, et tant que l’équipe des Marocains n’est pas là, on a l’impression que l’équipe n’est pas formée. D’ailleurs, le début de la saison est lancé lors de l’arrivée officielle des Marocains, et c’est très symbolique. »
Ainsi, Mohamed Abouti, 63 ans et trieur de talc émérite, a effectué sa dernière semaine de travail en octobre dernier sous les yeux de ses camarades : « Je suis arrivé ici en 1984, et c’est Mohamed qui m’a appris à trier le talc à la piquette, 4 ans plus tard, c’est moi qui le formais à trier à la pelle », se souvient son collègue Antonio Goncalves. « Un travail de précision » souligne Jean-Pierre Papin : « Le travail des trieurs de talc, c’est d’extraire le talc, mais surtout de le trier selon sa qualité […] On en a du blanc, du gris, d’autres avec des nuances verdâtres, et donc les trieurs doivent avoir cette capacité d’analyse. »
Chaque année, 400 000 tonnes de talcs sont ainsi extraites de la carrière faisant de l’usine ariégeoise la première productrice mondiale en la matière. Une véritable performance qui demande toutefois aux ouvriers certains sacrifices, comme l’explique le directeur de la carrière Maurice Jouve : « Pour la plupart des travailleurs, c’est six à huit mois de travail sans retour chez eux, ils vivent ici entre eux loin de leurs familles, pour lesquelles ils se sacrifient quelque part, pour pouvoir leur apporter un meilleur avenir, et tous sont fiers de pouvoir, avec ce sacrifice-là, permettre à leurs enfants de vivre mieux et de faire des études. »
« Pour la plupart des travailleurs, c’est six à huit mois de travail sans retour chez eux. »

« Un tas de souvenirs »
Ainsi, environ 120 salariés – dont 65/70 saisonniers – vivent au rythme de la carrière la moitié de l’année : « Ceux qui ont trouvé leur compte reviennent régulièrement, parce que finalement d’une année sur l’autre l’activité est du même niveau et donc il y a quelque part une espèce sécurité de l’emploi, au travers d’un contrat qui est saisonnier malgré tout », reprend Maurice Jouve.
L’ensemble du site compte environ 300 personnes, précise le directeur : « Les 180 autres travaillent à l’usine pour le traitement du talc, sa mise en paquet, la préparation et l’expédition par train et par camion vers les clients. »
Après 42 années de travail à la carrière de Trimouns, Mohamed Abouti va pouvoir profiter d’une retraite bien méritée auprès de sa famille au Maroc : « Je suis content, je vais pouvoir rentrer au Maroc même si je compte bien revenir en France en vacances, et voyager en Espagne. J’emporte avec moi un tas de souvenirs. »

Écrit par: Stephanie Leborne

Rate it

0%